
L’entreprise bretonne construit ses propres voiliers pour assurer le transport de ses denrées sans émissions de CO2. Et connaît une croissance majeure.
L’apparence des produits Grain de Sail étonne. L’emballage est composé d’une grande enveloppe kraft floquée d’une photo d’un imposant voilier aux couleurs de la marque ou bien d’un phare, d’une planche à voile… Étrange pour une tablette de chocolat. Étrange aussi qu’une chocolaterie emploie un équipage de marins. Mais cette entreprise, lancée par des frères jumeaux en 2010, va bien au-delà de la simple production.
Pour Jacques et Olivier Barreau, tout est parti d’une envie de faire de l’agroalimentaire différemment, de façon plus respectueuse pour l’environnement. Dans l’esprit des fondateurs de Grain de Sail naît l’idée folle de construire un voilier qui transporterait des denrées exotiques jusqu’en France en émettant le moins de CO2 possible. La cinquantaine, une belle carrière professionnelle dans le milieu des énergies renouvelables derrière eux, les deux hommes ont voulu proposer un nouveau modèle et prouver que d’autres façons de produire, et surtout d’acheminer, étaient possibles. « On s’est interrogé sur ce qui est transportable à la voile. Et quels sont les produits qui viennent de loin et dont aujourd’hui, raisonnablement, personne n’a envie de se passer ? Le café et le chocolat. »
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Les frères Barreau ont donc d’abord cherché à créer une entreprise rentable, avec pour but ultime de financer le projet d’un voilier cargo. Dès sa naissance, Grain de Sail ne mise que sur des produits bio de qualité. « Nous choisissons nous-mêmes tous les producteurs. Nous avons fait beaucoup de dégustations, à chaque voyage nous élargissons notre réseau. Hors de question de rejoindre des labels bio, de faire du marketing sur notre engagement pour l’environnement. Ce ne devrait plus être un argument de vente mais une évidence. » Leur atelier de torréfaction voit le jour à Morlaix en 2013, leur chocolaterie en 2016. Les ventes décollent rapidement, la société s’étale sur tout l’ouest de la France avec plus de 600 points de vente. Grain de Sail peut alors passer à son projet originel : se doter d’une flotte de voiliers pour rapporter son chocolat des Caraïbes sans aucune émission de CO2.
Le voilier de 24 mètres peut transporter jusqu’à 50 tonnes de marchandises. © DR
Construit à Lorient selon des normes de sécurité très strictes, un premier navire voit le jour. Cent ans après l’arrêt de la marine marchande à voile, un voilier battant pavillon français traverse l’Atlantique pour prouver que des solutions existent. Et fonctionnent ! L’entreprise, qui emploie désormais 37 salariés, 15 personnes en situation de handicap et 5 encadrants, a connu une augmentation de son chiffre d’affaires de presque 60 % en 2020 par rapport à 2019. Pour rentabiliser au maximum sa traversée, le voilier apporte aussi des vins bio français vers New York, puis file en République dominicaine pour récolter le précieux chocolat.
Pour l’heure, si Grain de Sail est bien implanté en Bretagne, les jumeaux attendent les bonnes occasions de se développer. Ils souhaitent organiser de nouvelles entités de production locales, toujours afin de limiter le transport secondaire. Un permis de construire est en cours de signature à Dunkerque pour couvrir le Nord et la Belgique et un deuxième voilier, encore plus gros, est en construction. « Nous n’avons pas vocation à devenir un grand groupe. On se fixe une limite de dix entités de production et huit bateaux pour notre flotte. Plus, ça n’aurait pas de sens. Nous préférons que les Français mangent moins de chocolat mais que chaque dégustation soit un réel plaisir. » Un plaisir de qualité et, surtout, abordable : la tablette classique coûte 2,80 euros. « Au début, on nous a dit que nous étions utopistes. Aujourd’hui, nous prouvons que d’autres modèles existent. À notre modeste échelle, nous espérons élever les consciences et donner des idées à d’autres. »
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