Le tacle du lundi – Le foot terroir est mort, vive le foot « terroir-caisse »

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Dans un échange savoureux, le formidable illustrateur Daumier intime à Ingres d’« épouser son temps ». Réplique immédiate du peintre : « Et si le temps a tort ? » Le football n’échappe pas à cette contrainte, quitte à renier son propre ADN, son histoire. Ainsi, après l’immonde arbitrage vidéo – qui montre, chaque semaine, son apport néfaste dans un sport qui n’avait pas besoin de ça – ou les cinq changements qui accentuent le déséquilibre entre petites et grandes équipes – et allongent les matchs –, le ballon rond nous offre « deux innovations » qui doivent répondre aux besoins de l’époque.

Depuis le début de saison – et le funeste contrat avec Mediapro –, la Ligue 1 s’invite au déjeuner. Un match du championnat de France est programmé le dimanche à 13 heures. Fort d’un succès qui n’est pas à démontrer – les audiences de ce match sont confidentielles –, une deuxième rencontre a été déplacée le samedi à 13 heures. Pis ! Ce week-end, Angers et Rennes se sont affrontés à 12 h 45. De mieux en mieux. La raison de cette absurdité : le marché asiatique. À l’instar de ses voisins britanniques et espagnols, pour faire gonfler nos droits télé à l’étranger (qui sont, il est vrai, ridicules), la Ligue de football français a choisi d’exiler deux matchs dans un créneau invisible pour les Français, mais sans se donner les moyens de briller à l’international. Le PSG (une seule fois !), l’OL ou l’OM – les trois clubs les plus attractifs – ont très peu joué à cette heure défavorable (on ne va pas contrarier la digestion de Neymar !). Pas sûr qu’un Rennes-Nantes déchaîne les foules à Pékin ou à Tokyo. Allons plus loin, comme l’ont suggéré les supporteurs d’Angers : organisons un match au petit déjeuner pour satisfaire les centaines de milliers de fans de la Ligue 1 en Australie.

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Un calendrier surchargé

Autre changement qui va bouleverser le monde du foot après 2024 : une nouvelle Ligue des champions. Oubliez la première phase, les groupes de la mort… La prestigieuse coupe d’Europe va passer de 32 à 36 clubs, les huit poules vont devenir un mini-championnat (avec qualification et barrages) avant de retrouver des huitièmes de finale « classiques » (vraisemblablement avec la fin du but à l’extérieur). Bilan de l’opération : cent matchs supplémentaires (le calendrier devait être trop léger…) et des droits qui devraient flamber ! La réforme, votée ce lundi, pourrait également mettre fin à la qualification par la voie du championnat (le coefficient UEFA ferait foi). Ainsi, une qualification à la régulière de Strasbourg pourrait être annulée pour sauver un Lyon ou Arsenal en mauvaise posture…

Comme l’a si justement écrit Vincent Duluc, notre brillant confrère de L’Équipe, Andrea Agnelli, le promoteur de ce machin (plutôt de cette machine à fric), est « l’un des hommes qui fait le plus de mal à l’idée de l’universalité de ce jeu ». Patron de la Juventus, Agnelli ne voit que son intérêt et celui de ses congénères : les grands clubs pour qui l’aléa sportif est un danger (financier). Le foot terroir est définitivement mort, vive le terroir-caisse comme le disait le regretté Eugène Saccomano.

Face à ces critiques et la victoire (quasi totale) des puissants, on veut nous rassurer : avec cette nouvelle réforme, on échappe à la ligue fermée, véritable serpent de mer et symbole du foot business triomphant. Las, dimanche après-midi, le New York Times annonçait que cette Superligue européenne était bien en route. Avec ces gens-là, le pire est toujours certain.




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