Au cours de l'audience du mardi 12 juin dernier, les avocats de la défense avaient demandé un renvoi en vue de permettre aux avocats commis d'office de disposer d'un temps supplémentaire pour connaitre le dossier de leurs nouveaux clients. Le tribunal avait donc suspendu l'audience pour délibérer ce jeudi 14 juin 2018.
A la reprise, le tribunal a rejeté la demande de renvoi formulée par les avocats de la défense. Le tribunal a justifié cette décision par le fait que l'absence d'avocats de certains clients n'empêchait pas la continuité du l'audience.
Pour le tribunal, l'interrogatoire pouvait commencer avec les inculpés disposant déjà de conseils dans l'attente que la juridiction trouve des avocats aux deux prévenus qui n'avaient pas de conseils.
Par conséquent, le président du tribunal a décidé de la poursuite de l'audience avec l'audition au fond des différents inculpés.
Après cette décision, le tribunal a notifié l'assistance d'une demande de récusation du président du tribunal, Seydou Ouédraogo et de son conseiller, Emmanuel Konéné.
Cette demande de récusation a été formulée par Me Solange Zéba, conseil de l'inculpé Moussa Nébié dit Rambo.Selon ladite notification parvenue à la chambre de première instance du tribunal militaire par voie d'huissier, Me Zéba a informé le tribunal qu'elle a saisi la chambre criminelle de la Cour de cassation aux fins de récusation des deux magistrats cités.
Prenant la parole, elle a estimé que sous réserve de la décision de la Cour de cassation, le tribunal devait surseoir le procès. Outre cela, elle a indiqué que c'est pour parer à l'inertie du secrétariat de la Cour de cassation qu'elle a transmis cette demande de récusation au tribunal par voie d'huissier.
L'article 655 du Code de procédure pénale stipule que : « La requête est notifiée par les soins du secrétaire général au président de la juridiction à laquelle appartiennent le ou les magistrats récusés. Il sera sursis à la continuation de l'information et aux débats jusqu'à l'arrêt statuant sur la récusation ».
Me Zéba estime donc que par mesure de « prudence », le tribunal devrait stopper l'information et aux débats dans l'attente de l'arrêt statuant sur la récusation.
Le procureur militaire a laissé entendre que cette requête ne saurait prospérer du fait que l'article 655 du code de procédure pénale évoqué par Me Zéba n'a pas été respecté car il n'appartenait pas à la défense de notifier à la juridiction cette demande de récusation mais au secrétariat général de la Cour de cassation.
Par conséquent, le ministère public a invité le tribunal à ne pas considérer cette demande de l'avocat Solange Zéba. Emboitant le pas au procureur militaire, les avocats de la partie civile ont estimé que la requête est « un non sens juridique » du fait que la loi pénale est d'interprétation stricte. Pour Me Prospère Farama, les avocats de la défense sont en train de tout faire pour ne pas aborder le fond du dossier.
« Je suis maintenant agacé puisque cela devient théâtral. Nous savions que depuis le début de cette affaire, il y avait une stratégie de pourrissement et de blocage du procès mais je pense qu'il y a plus qu'un abus aujourd'hui et il est temps que la juridiction prenne ses responsabilités pour que nous avancions dans ce dossier » a indiqué Me Farama.
Après une brève suspension, le tribunal a rejeté la demande formulée par Me Solange Zéba et a donc décidé de continuer l'audience. Il a estimé que la notification de la récusation devrait lui parvenir par les soins du secrétariat général de la Cour de cassation et non par voie d'huissier.
Mais contre toute attente, l'audience ne se poursuivra pas. Le tribunal a décidé de la renvoyer au 29 juin prochain « pour une bonne administration de la justice ».