8 Juin 2018

Sénégal: La tension de trésorerie est une réalité au pays

Aujourd'hui la situation actuelle des finances publiques justifie les arrières de paiement de l'Etat et tout le monde en souffre.

Les étudiants en ont souffert à cause de l'argent du à Ecobank. Les enseignants en souffrent à cause de l'argent du au titre des avancements et rappels. Les étudiants orientés dans les écoles privées en souffrent à cause de l'argent du à leur établissement d'accueil. Les hôpitaux et centres de santé en souffrent à cause de l'argent du au titre de la CMU. Les employés des entreprises de BTP en souffrent à cause de l'argent du à leur entreprises. Brefs tous les fournisseurs de l'Etat en souffrent.

L'Etat du Sénégal a des obligations financières vis-à-vis de ses fournisseurs. L'Etat est tenu d'honorer ses obligations financières, s'il ne le fait pas le phénomène des arrières de paiement va plomber la santé financière des entreprises et de l'économie. Les arrières de paiement sont des obligations de l'Etat vis-à-vis de ceux qui lui offrent des crédits ou des services (entreprises). Si l'Etat ne règle pas à date convenue cela correspond à un arrière de paiement de sa part. Au Sénégal la date convenue est juridiquement de 90 jours, si l'Etat ne paie pas ses fournisseurs à cette date cela devient un arrière de paiement.

Les arrières de paiement sont très dangereux pour l'économie d'un pays. Ils fragilisent la consommation des ménages (provoque le retard de paiement des salaires) et l'investissement des entreprises (crée aux entreprises des problèmes de trésorerie). Si on sait que l'économie est un jeu de consommation et d'investissement, donc les arrières de paiement bloquent ou ralentissent l'activité économique d'un pays ce qui augmente la pauvreté.

Si le Sénégal vit en ce moment les arrières de paiement, c'est à cause de deux phénomènes : la remonté du prix du baril de pétrole et le déficit croissant de la balance des revenus

La remonté du prix du baril :

L'économie des pays moyennement avancés (PMA), des pays à revenu intermédiaire (PRI) et des pays émergents, est définie par deux choses : le prix du baril de pétrole et le taux directeur de la banque centrale américaine. Un pays comme le Sénégal avec une monnaie liée à l'euro n'a rien à craindre directement d'un relèvement du taux directeur de la banque centrale américain. Par contre un relèvement du prix du baril de pétrole casse ses prévisions budgétaires.

Le PSE a démarré avec un baril tournant autour 30 dollars (juin 2014). En début 2016, le baril était même sous la barre des 30 dollars. Donc pendant deux ans le PSE a évolué avec un prix du baril qui avait chuté de 75%. Une situation qui avait permis aux finances publiques de souffler parce que le plus grand poste de dépense de l'Etat est la facture énergétique. A noter qu'en 2008 l'économie du Sénégal avait coulé avec taux de croissance de 1,5% à cause d'un baril à 150 dollars. La facture énergétique dépassait les 500 milliards ce qui avait laminé les finances publiques avec comme conséquence les émeutes de la faim et les sorties d'Alex Ségora du FMI.

Donc d'un baril tournant autour de 30 dollars pendant deux ans de PSE , il est aujourd'hui à 70 dollars c'est-à-dire qu'il a doublé. La conséquence est le doublement de ce poste de dépense et ce qui complique encore les choses et qu'en pleine chute du prix en décembre 2016, l'Etat avait diminué pour les ménages le coût de l'électricité et qu'aujourd'hui il ne peut plus l'augmenter pour faire face aux nouvelles charges. Cette augmentation du prix du baril affecte la trésorerie de l'Etat et crée des arrières de paiement qui peuvent plomber les acteurs de l'économie (ménages et entreprises).

2 - Le déficit croissant de la balance des revenus

Au Sénégal le manque de liquidité de l'Etat est surtout due à l'importance des sommes transférés à l'étranger pour le paiement net des revenus. Ces sommes transférées sont constituées de : transfert de profit, transfert de dividende, transfert de salaires de étrangers et le paiement des intérets de la dette. D'après les dernières données de 2016, plus de 50% de la croissance a été transférées à l'étranger en 2016. Entre 2012 et 2016 plus de 2 milliards de dollars ont été transférés à l'étranger. Si on fait le solde entre les revenus transférés et les revenus reçus cela fait 3,3% du PIB. En 2016, 3,3% du PIB a été transférés. D'après le dernier point économique de la DPEE la balance des revenus (transférés et reçus) a accusé en 2016 un déficit de 290,9 milliards et en 2017 elle s'était dégradée encore de 23,1 milliards accusant un déficit de 314 milliards. La cause de tout cela est la participation à grande échelle du capital étranger (entreprises étrangères) à la croissance. Les entreprises étrangères construisent les projets de l'Etat et rapatrient tous leurs revenus chez eux.

A ces transferts des entreprises étrangères il faut y ajouter le service de la dette. La loi de finance 2018 votée en décembre 2017 nous avait renseigné que l'Etat devait payer un service de la dette de 732,49 milliards en 2017. Ce service de la dette devait selon les prévisions budgétaires atteindre 839 milliards en 2018, 839 milliards transférés hors du pays comme service de la dette extérieure.

Donc toutes ces sommes transférées (transfert de profit, transfert de dividende, transfert de salaires de étrangers et le paiement des intérêts de la dette) appauvrissent l'Etat du Sénégal.

Donc la nouvelle facture énergétique (qui va augmenter de plus en plus car les prix du baril vont continuer à monter) plus les sommes transférées à l'étrangers (qui augmentent de plus en plus à cause de la présence massive d'entreprises étrangères) perturbent les prévisions budgétaires de l'Etat et appauvrissent le Sénégal.

Aujourd'hui l'Etat n'a que deux marges de manœuvre pour se faire de l'argent frais : ses 55% à la SAR (ses actions à la Sar) qu'il peut céder à hauteur de 30% et l'argent du FMI .

Concernant ses 55% d'actions à la SAR, le Pdg sénégalais Khadim Ba qui a 35% veut que l'Etat lui cède 15% comme promis dans le protocole. Mais l'Etat traine les pieds et tout le monde a peur aujourd'hui que l'Etat ne les cède à Total qui est revenu à 20% des actions après que le président les avait dégradé en 2007 jusqu'à 10%.

Concernant le FMI, elle ne peut plus prêter de l'argent au Sénégal depuis l'arrêt du programme d'aide financière par le président Wade en 2007. Aujourd'hui le Sénégal est le seul pays de la sous-région ouest africaine à refuser l'aide financière du FMI depuis 2007 et est aujourd'hui sur un programme conseil avec le FMI dans le cadre de l'ISPE (Instrument de Soutien à la Politique Economique). Ce fierté que le président Wade nous a laissé, je pense bien que le ministre Amadou Ba va le conserver en refusant de tendre la main au FMI.

El Hadji Mansour Samb

(Economiste et auteur du livre : Les Limites du PSE)

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