30 Mai 2018

Sénégal: « Fergo tu traceras ta route » de Mme Rahmatou Seck Samb - Une œuvre d'une grande richesse

billet

Après lecture d'un tel roman, on demeure perplexe. Comment qualifier cette œuvre ? Le critique hésite et évite de trancher. Serions-nous en présence d'un carnet de voyages, un récit, une sorte d'épopée moderne, d'une tragédie à l'africaine, mais romancée ? Peut-être que Fergo est tout cela à la fois. D'où sa richesse et sa nouveauté dans le champ de la création littéraire africaine actuelle. Il me semble que la motivation première de l'auteure est de témoigner.

Après avoir bien observé et retenu ce qui se passe autour d'elle, dans et hors de son terroir, à travers la vaste Afrique, l'auteure tient à corriger idées reçues et préjugés.

Son continent ne se résume pas à un amas de tribus et clans cloisonnés, antagoniques, prêts à s'entredéchirer à la moindre occasion. Comme si Mme Samb tenait à donner corps aux idées de Cheikh Anta Diop exprimées dans «l'unité culturelle d'Afrique noire».

L'originalité consiste à habiller tout cela en se servant de l'aventure de Baïdy. Une enfance partagée entre ce bleu tirant sur le vert de l'océan et le clapotis des vaguelettes du fleuve au nord du Sénégal.

Occasion saisie par l'auteure pour souligner la rencontre entre pêcheurs lébou et hal pulaar. Tous imprégnés des mêmes mythes concernant leur parenté commune avec les êtres surnaturels maîtres des eaux profondes.

Les deux mariages de Baïdy, l'un au Congo et l'autre dans son pays natal permettent à Mme Samb de poser le doigt sur les différents aspects des deux sociétés. Cependant, ce qui l'intéresse, c'est moins les différences que les similitudes. Bien qu'elle soit enracinée dans son terroir dont elle a bien assimilé les us et coutumes, l'auteure se revendique un être poreux à tous les souffles du continent.

C'est ce qui lui permet de bien restituer le climat social, les événements politiques et l'ambiance de l'époque dans cette partie de l'Afrique d'alors.

Mme Samb ne veut rien laisser de côté. En quelques mots, elle nous montre combien le personnage de Baïdy est complexe. N'est-il pas le résultat d'une société fière de son passé antéislamique qui fait son possible pour que seule la voix du muezzin monte vers le ciel ?

Et pourtant, il semble que le tam-tam ancestral continue de battre en sourdine dans chaque cœur. On aurait tort de juger un auteur africain à l'aune de la critique occidentale sous prétexte qu'il écrit en français. Je pense qu'il est temps de se rendre à l'évidence.

L'écrivain africain emploie une langue étrangère apprise à l'école mais il y met son bagage culturel et ses racines. Même s'il lui arrive de maîtriser l'art de la conjugaison et d'éviter les pièges de la grammaire, il est rarement à l'aise. Il lui arrive de s'y sentir à l'étroit.

Aussi, sa véritable nature ne cesse-t-elle de relever la tête. Sinon, on ne comprendrait pas pourquoi l'agrégé de grammaire, le grand poète Léopold Sédar Senghor, éprouve le besoin de s'écrier au beau milieu de son poème écrit en français « Kor Siga ». Ousmane Sembène ne nous propose-t-il pas «Les bouts de bois de dieu» ?, Birago Diop nous parle de «Courte queue se paie avec courte queue».

Dans Fergo, Mme Samb suit les traces des précurseurs en employant «tour» pour tenter de rendre «moome ou aye» dans le système de la polygamie. En donnant la parole aux différents corps de métiers, elle a sauvegardé une certaine authenticité.

Ainsi, la voix du griot donne chair et chaleur au passé pour le rendre vivant et vivifiant. Le chant du maître «cubalo» nous plonge dans les eaux fluviales et nous rend complices de tout l'univers.

Par un procédé dont elle a le secret, Mme Samb souligne l'importance du climat. ne note-t-elle pas que là où l'harmattan sculpte l'homme du Sahel, la moiteur et l'humidité dessinent son frère de la forêt.

Tous deux se retrouvent dans le sens de l'humain et la générosité offerte à l'hôte. Je vois que l'auteure de Fergo respecte l'orthographe des mots empruntés aux langues du terroir. Je suis sûr qu'elle ne manquera pas un jour de nous proposer une œuvre écrite en pulaar ou wolof. En attendant, je l'encourage à continuer son travail scrupuleux d'écrivain.

Sénégal

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