Le 71e festival de Cannes a démarré ce 8 mai avec la projection inaugurale de « Todos Los Saben » (Tout le monde le sait), d'Asghar Farhadi, premier film en espagnol du réalisateur iranien, avec Pénélope Cruz et Javier Bardem, où une femme revient dans son village natal au cœur du vignoble espagnol à l'occasion du mariage de sa sœur. Des événements inattendus viennent bouleverser son séjour et font ressurgir un passé depuis trop longtemps enfoui.
Mais pourquoi Cannes abrite-t-il ce festival, l'événement le plus médiatisé au monde derrière les Jeux olympiques ? Il faut remonter à 1834 lorsqu'une épidémie de choléra força le lord anglais Henry Brougham à rebrousser chemin alors qu'il se rendait en Italie. Il tombe amoureux de ce qui n'est alors qu'un simple village de pêcheurs et s'y installe. Il attire de nombreux étrangers auxquels se joindront beaucoup de Russes si bien que Cannes passe de 4 000 à 10. 000 habitants en 1870. On construit en bord de mer des hôtels de luxe au début de XXe siècle : le Carlton, le Majestic, le Martinez. Destination balnéaire prisée, elle devance Biarritz pour accueillir le nouveau festival international de cinéma. Il est créé en 1939 par réaction à la Mostra de Venise à tendance fasciste. Mais la guerre éclate et la première édition du festival n'aura lieu qu'à l'automne 1946, d'abord dans le Casino municipal puis dans le Palais des festivals construit pour l'événement qui sera remplacé en 1982 par l'actuel «bunker», dénomination de son architecture controversée, et qui comporte 24 marches d'un tapis rouge devenu mondialement célèbre.
L'auditorium Louis Lumière accueille la sélection officielle et comporte 2.309 fauteuils et un écran de 8x19 mètres. Le Palais comporte 25 salles de projections, 700 m2 de bureaux et un hall d'exposition de 7. 000 m2 qui accueille le marché international du film.
A la compétition officielle avec une vingtaine de films viennent s'adjoindre des sections parallèles : la Semaine de la Critique en 1962, créée par le Syndicat français de la Critique de cinéma, et la Quinzaine des Réalisateurs en 1969 dans le sillage de mai 68. En 1978, Un certain regard, annexe de la sélection officielle, prône un cinéma plus audacieux. Depuis 1993, l'Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid) propose 9 longs métrages.
12.000 producteurs et distributeurs se retrouvent chaque année à Cannes, le marché présentant quelque 5.000 films. Le festival génère ainsi 800 millions d'euros de chiffre d'affaires. Pour loger artistes et professionnels, 5.500 chambres d'hôtel dont 70 % sont de grand luxe : 4 ou 5 étoiles. La population cannoise (73.000 habitants) triple durant le festival. 36.000 festivaliers et journalistes sont accrédités, auxquels viennent s'ajouter 90.000 visiteurs, curieux ou chasseurs d'autographes. 670.000 repas sont servis dans les restaurants de la ville, soit 15 % de leur chiffre d'affaires en 10 jours. Pour un budget de 20 millions d'euros, le festival en rapporte 72 à Cannes et ses environs, près de 200 à l'échelle nationale !
Les raisons de ce succès ? Le marché certes, mais surtout un savant dosage entre magie et exigence de cinéma : stars et personnalités se pressent autour de films d'auteur parfois obscurs, alternative française au système commercial hollywoodien. Cela n'empêche pas le festival de présenter le dernier « Star Wars » et d'inviter Ryan Coogler (Black Panther) pour une leçon de cinéma ! Et nous l'avons vu, l'Afrique est loin d'être absente de cette édition 2018...