Plus qu'une fête, cette 26ème édition du Saint-Louis jazz a offert des instants de communion, de fusion de mélodies. Hervé Samb a gratifié le public de son jazz- sabar.
L'Ivoirien Paco Sery a montré, par le rythme et l'harmonie, que c'est un choix prometteur. La Sénégalaise d'origine, Awa Ly, a entretenu la fraîcheur de cette scène mythique sur laquelle le Tunisien Dhafer Youssef a exprimé son génie. Et bien des émotions.
Même le « bonsoir » de Dhafer Youssef est enchanteur ! Sa musique est un instant de retour à soi. Elle est effusion et soupir. Silence de part et d'autre et abondance d'un point à l'autre. Elle est un mélange d'influences de tous les espaces. Le natif de Téboulba, en Tunisie, explore les merveilles de son terroir d'insouciance, l'Orient, pour entraîner le public dans les eaux douces de l'Occident et de son jazz. Le retour du virtuose du Oud sur la scène de Saint-Louis
Jazz a transporté les festivaliers qui, en extase devant tant de prouesses et de génie, ont écouté.
Et c'est important pour le « Oud hero » : « Ma musique est sincère. C'est un moment de partage. J'aime quand le public écoute, savoure dans le silence, voyage avec moi. Je l'ai senti ce soir », confie-t-il d'une voix traînante. L'assistance a fait plus que cela. Elle l'a acclamé.
Le Tunisien, un brin provocateur, restitue des vies et en construit sur scène avec, de temps en temps, quelques plongées dans les épopées mystiques. Inspiré par les rencontres, les choses banales de la vie-par tout-, Youssef rompt des harmonies pour les rétablir sans interrompre l'émerveillement. La musique de celui dont le maître est le trompettiste Miles Davis, est empreinte de spiritualité. Et de religion ? Pas si sûr malgré quelques petites satires bien amusantes. « Il y a, pense-t-il, beaucoup de choses qui ne me plaisent pas dans la religion même si j'aime ses aventures mystiques. Ma musique transcende les appartenances. L'essentiel, c'est d'être en harmonie, chacun dans la foi de ce qu'il croit pouvoir assurer son épanouissement, et cultiver la tolérance ». Son style, un croisement entre des sonorités traditionnelles et le jazz contemporain, est un éloge à cette ouverture résultant de son « long voyage ».
Electricité et éclectisme
Hervé Samb, le prodige guitariste sénégalais, « raconte » aussi ses pérégrinations avec son génie et son originalité. Son récital de dimanche entamé par « Bara Mbaye », dans la fraîcheur de Saint-Louis, sur la la scène « In » du festival, qu'il a occupée de sa dextérité, a été un grand moment de fusion.
L'auteur du disque « Téranga » cultive l'éclectisme et produit l'électricité pour donner à savourer son « jazz-sabar ». Le sabar n'y dompte pas les notes du blues. Ils s'entremêlent au grand bonheur d'un coloré public agité de frémissements. Le « dialogue » entre les baguettes du percussionniste Alioune Seck, qui a rendu un hommage rythmé à Doudou Ndiaye Rose, et les doigts de Hervé Samb témoigne de l'opportunité et de la nécessité de cette trouvaille de génie.
Et quand Souleymane Faye, à travers « Yacine Boubou » et « Saraba », et la prometteuse Maïna y posent leurs voix, le moment est magique. Ce mariage entre le jazz et le «sabar» embrasse l'éternité parce qu'il est fécond et construit un pont entre des sonorités destinées à éblouir. Hervé fait épancher sa guitare sans se laisser intimider ou distraire par la fureur du «sabar». Tout y est grâce.
Tout, dans la performance de Paco Sery, a aussi été grâce. L'expérimenté batteur et percussionniste ivoirien est un as du rythme. Il l'a montré sur la scène du Saint-Louis Jazz avec l'énergie du débutant. Il y a eu de la vie, du délire, du balafon, de la percussion... Et à la fin, le public s'est levé pour un standing ovation bien mérité. Paco Sery a donné raison, un jour après, à Hervé Samb en montrant que cette fusion entre le «sabar» et le jazz concourt à la beauté des rencontres. Il a invité le groupe Nguewel de Saint-Louis composé de batteurs de tam-tams et de danseuses pour illustrer la divine alchimie à sa manière.
Awa Ly l'avait précédé sur scène pour donner à savourer sa voix jazzy et sa grâce rendue plus éclatante par une lumière complice. Elle est à la charnière des mélodies d'ailleurs et d'un quelque part à imaginer, à découvrir. La chanteuse d'origine sénégalaise vivant en Italie, « un peu tendue » pour reprendre ses mots, partage la synthèse de ce qu'elle écoute pour explorer les merveilles du jazz, du blues, du pop. L'interprète de « Here », aux pas enchanteurs, qui jouait pour la première fois sur cette scène, a conquis le public en reprenant les titres de son album « Five and a feather ».
Les prouesses de ces génies auraient été davantage mises en lumières si les ennuis techniques avaient été évités lors de ce festival au parfum élitiste. L'enthousiasme des Saint-Louisiens n'a pas été des plus débordants.
Bilan satisfaisant, selon les organisteurs
Le président de l'association Saint-Louis/Jazz, Me Ibrahima Diop, le directeur de la Communication de la Bicis, Malick Magueye Diaw, représentant son Directeur général, ont tiré un bilan satisfaisant de la 26ème édition du Festival de jazz de Saint-Louis, malgré quelques difficultés notées dans l'organisation. Comme convenu, cette édition du festival s'est déroulée dans de bonnes conditions.
Ibrahima Diop, président de l'Association Saint-Louis Jazz, a émis encore le souhait de voir cette association se muer en Fondation d'utilité publique. Selon Me Diop, ce statut présente de nombreux avantages par rapport à la fiscalité, à la Douane, à l'intervention de l'Etat par l'entremise des ministères de la Culture, de l'Economie et des Finances, « en ce sens qu'il favorise la double tutelle et qu'il assure l'organisation de ce festival ». Me Ibrahima Diop a rendu un vibrant hommage au partenaire stratégique de ce festival international de jazz de Saint-Louis, notamment la Bicis, pour sa contribution financière très importante qu'elle ne cesse d'apporter à l'organisation de cet événement culturel et annuel de grande envergure, qui draine chaque année, vers Saint-Louis, des milliers de festivaliers, de touristes, de visiteurs et autres mélomanes qui viennent des pays européens, africains, asiatiques et américains.
Il a confondu dans ces mêmes remerciements le chef de l'Etat et la municipalité de Saint-Louis qui, chaque année, mettent tout en œuvre pour contribuer financièrement à l'organisation de ce festival.
Cependant, Me Ibrahima Diop a souhaité que ces contributions financières puissent désormais parvenir au moment opportun aux responsables de l'association Saint-Louis/Jazz, afin de leur permettre de résoudre des problèmes financiers bien avant le démarrage de ce festival.
Projet Saint-Louis/Jazz
Parlant de la programmation artistique, il a précisé que la seule fausse note est liée à l'absence de Rhoda Scott, organiste et chanteuse de jazz américaine. A en croire Me Diop, elle n'a pas pu venir à Saint-Louis car il était impossible de lui trouver l'instrument de musique « Orgue Hammond B3 » dont elle avait besoin pour se produire sur la scène du «In».
Le responsable de la programmation artistique, Mame Biram Seck, semble confirmer ces propos en précisant que son cachet et les billets d'avion pour le déplacement de son groupe ont été entièrement payés, « et même les détails bancaires ont été réglés. La seule chose qui posait problème était la mise en place de cet instrument de musique ».
Le coordonnateur du Projet Saint-Louis/Jazz, Ibrahima Touré, a expliqué à l'assistance les enjeux et les perspectives mis en place en 2016 et qui permet de réfléchir sur les voies et moyens à mettre en œuvre pour professionnaliser davantage l'organisation de ce festival. En effet, un groupe d'experts, d'entrepreneurs nationaux et de décideurs réputés, acteurs de la société civile sénégalaise, amoureux de la vieille ville de Saint-Louis et convaincus de l'utilité économique, sociale et culturelle du festival, regroupés au sein du « Cercle des amis de Saint-Louis Jazz », s'était engagé spontanément à apporter à l'Association Saint-Louis/Jazz son appui bénévole pour restructurer son projet et mettre en œuvre une nouvelle stratégie de développement et de consolidation dénommée « Projet Saint-Louis Jazz ».
Ce point de presse s'est tenu en présence de Mme Mathilde Favre, chargée de mission/jazz de la Fondation Bnp/Paribas, du célèbre koriste sénégalais Ablaye Cissoko, de Fara Tall, vice-président de l'Association Saint-Louis/Jazz et Alex Tendeng, responsable de la communication.
Escale du «Pavillon de l'Exil 03»
L'institut français de Saint-Louis a accueilli l'exposition « Pavillon de l'exil 03 » avec plus d'une vingtaine d'artistes y ont participé. Après des escales à Paris et Marseille, et sa présentation à l'Institut français de Tanger, et à la Biennale de Venise, Le «Pavillon de l'Exil» s'installe à Saint-Louis du 28 avril au 3 juillet prochain. Avec près de 20 artistes internationaux, cette étape du Pavillon déploie une quarantaine d'œuvres de toutes expressions autour des questions liées à l'exil, le déplacement, la situation des exilés, l'histoire de l'exil et des diasporas entre autres. Ce concept est imaginé par l'artiste marocain Mounir Fatmi, co-commissaire, avec Marie Deparis-Yafil. Pour Mounir, « de cette nécessité, de cette urgence permanente de penser l'exil, est né le projet, qui est itinérant, proposant une cartographie parallèle, une géographie libre d'expositions temporaires, sous la forme d'escales dans différents pays. L'ambassadeur de France Christophe Bigot et le ministre maire de la ville, Mansour Faye, ont présidé le vernissage.
La Pna offre des médicaments aux handicapés
Comme chaque année, la Pharmacie nationale d'approvisionnement (Pna) a organisé une cérémonie de don de médicaments au profit des couches vulnérables. Cette fois-ci, l'association des personnes vivant avec un handicap a été bénéficiaire. En effet, pour le responsable local de cette structure, le Dr Waly Diouf, « l'amélioration des conditions de vie des personnes vivant avec un handicap est une vive préoccupation des organisateurs du Festival de jazz de Saint-Louis et de la Pna ». Ce dernier a aussi assuré que ce partenariat sera davantage renforcé.
Eiffage Sénégal satisfait de sa participation
Lors d'un entretien avec la presse, Mme Yacine Fall, chargée de communication de Eiffage Sénégal, s'est réjouie du déroulement du festival et de la participation de sa structure.
Elle a, en outre, salué cette grande rencontre, qui draine beaucoup de monde et qui, au fil des ans, est devenue une rencontre importante dans le calendrier culturel africain, et même au-delà. Mme Fall est aussi revenue sur la relation entre Eiffage Sénégal et la ville de Saint-Louis, faite de compagnonnage dans les domaines culturel, social, de la Rse, entre autres.
A Saint-Louis, souligne la responsable de Eiffage-Sénégal, «nous sommes venus pour participer au festival en prélude à la Biennale de Dakar. Cette année, nous allons rendre un hommage appuyé à l'artiste Ousmane Sow ». Pour Mme Fall, cette collaboration avec le festival ira crescendo.