26 Avril 2018

Sénégal: Onzième jour du procès Imam Aliou Ndao et co prévenus - El Hadj Mamadou Ba se confond dans ses propos

Le marathon judiciaire dans l'affaire des présumés djihadistes se poursuit à la Chambre criminelle spéciale du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar. Au onzième jour d'audition des accusés hier, mercredi 25 avril, le prévenu El Hadj Mamadou Ba, dit Mame Ba, co-inculpé de l'imam Aliou Ndao, s'est confondu entre aveux et dénégations de propos tenus devant les enquêteurs et le juge d'instruction.

L'accusé El Hadj Mamadou Ba a été le premier à être appelé à la barre de la Chambre criminelle spéciale du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar hier, mercredi 25 avril, au onzième jour du procès des présumés terroristes sénégalais. Né en 1993, étudiant en Sciences économiques à l'Université virtuelle du Sénégal (Uvs), ce dernier, qui fréquentait la même mosquée de quartier, à Yoff, que Moustapha Faye et Pape Moussa Sow a été arrêté en plein Ramadan, le 22 juin 2016, chez lui. Les raisons de son arrestation seraient liées à ses fréquentations de personnes qui sont allées en Libye pour faire le djihad et ses projets de s'y rendre.

Des projets de djihadisme suscités par une vidéo sur une tuerie contre des musulmans en Birmanie qu'ils auraient visionnée avec les susnommés. Suite au visionnement de la vidéo, le nommé Moustapha Faye lui aurait tenu un discours radical contre les occidentaux. Mais, le prévenu a réfuté les propos tenus devant le juge d'instruction, soutenant que Moustapha Faye lui avait juste suggéré de mieux s'informer sur sa religion. Pour lui, ces derniers lui auraient fait part de leur voyage au Nigéria, mais ne lui ont jamais proposé d'effectuer le voyage avec eux.

Poursuivant, le président de la Cour, Samba Kane, renseigne, sur la base du procès verbal (Pv) du juge d'instruction, que le nommé Moustapha Faye avait manipulé le compte facebook d'El Hadj Mamadou Ba en changeant son nom de profil et en supprimant certaines de ses photos ainsi que certains de ses amis. Cela, pour les remplacer par d'autres amis «terroristes» afin de recevoir leurs publications.

Mieux, le juge rappelle que l'application télégramme avait été installée sur le téléphone du prévenu pour communiquer avec ses amis, notamment Moustapha Faye et Pape Moussa Sow partis au Nigéria. Il dira aussi qu'il leur avait été interdit d'aimer, de commenter ou de partager les publications de ces derniers. L'accusé El Hadj Mamadou Ba a reconnu avoir tenu certains de ces propos. Toutefois, il précise que ce n'est pas Moustapha Faye qui lui avait installé l'application, mais plutôt Ibrahima Ba, connu par l'intermédiaire de Moustapha Faye. Celui-là même qui aurait financé les voyages de certains accusés et qui s'est rendu en Libye, rappelle le juge.

Abou Hatem, le recruteur via télégramme

Plus loin, suite aux questions du procureur Aly Ciré Ndiaye, El Hadj Mamadou Ba révèle qu'à plusieurs reprises, en se connectant via télégramme avec son ami Abdou Lakhate Diop, le nommé Abou Hatem, qui leur a été présenté par Ibrahima Ba, les invitait à les rejoindre en Libye parce que la charia y était appliquée. Mieux, il informe que ce dernier leur faisait parvenir des prêches tout en leur recommandant de quitter la terre «souillée» du Sénégal. Il raconte que ce dernier leur auraient conseillé de quitter le Sénégal pour la Gambie, après qu'ils lui ont informé avoir été questionné un jour par des policiers sénégalais.

Cependant, il a varié sur les propos qu'il aurait tenus devant le juge d'instruction. En effet, selon le procureur, le nommé Abou Hatem leur aurait demandé d'aller se terrer en Gambie, le temps que les choses se calment avant de rejoindre le terrain, notamment la Libye. Cela, suite au fait que ces derniers lui avaient exposé leurs craintes de se faire arrêter au Sénégal, après les questionnements de la Police.

Sur ce point, l'accusé rejette lesdits propos, avant de préciser qu'il n'a jamais été question de se planquer (en Gambie) avant de rejoindre la Libye. A son avis, seul Abdou Lakhate Diop a décidé de suivre les instructions d'Abou Hatem, sans pour autant en parler à ses parents au préalable. Ce qui lui a valu une interpellation à la Gendarmerie de la Foire suite à une plainte des parents d'Abdou Lakhate Diop, afin d'obtenir des informations sur leur fils.

Les «bons conseils» du commandant de la brigade de la foire à E. H. Mame Ba

Mais, il refuse d'admettre que son ami a bénéficié du financement disponible pour le voyage en Libye, notamment les 150.000 F Cfa envoyés par Abou Hatem et Ibrahima Ba. Selon lui, à sa sortie de la Gendarmerie, où il a été conseillé par le Commandant (de la Gendarmerie), il a effacé l'application télégramme et ne s'est plus connecté avec Ibrahima Ba et Abou Hatem, encore moins cherché à contacter son ami Abdou Lakhate Diop par télégramme.

Pourtant, selon le ministère public, le Pv de l'enquête renseigne qu'il avait soutenu avoir abandonné ses idéaux de djihad après être resté sans nouvelles de ses amis, après s'être rendu compte qu'il ne s'occupait plus, à cause de ses idéaux, de sa maman souffrante et enfin, suite aux «bons conseils» du Commandant de la brigade de la Foire. C'est sur ces rappels du procureur, Aly Ciré Ndiaye, qu'il a reconnu enfin avoir tenu de tels propos. Ce qui contraste, quand même d'avec les déclarations faites tout au début, déclarant notamment qu'il n'a jamais été influencé par qui que ce soit pour faire du djihad et qu'il n'a jamais épousé de tels idéaux.

Echos du procès...

Télégramme, le support des «terroristes»

Pour communiquer sans être inquiétés au Sénégal, les présumés terroristes attraits à la barre de la Chambre criminelle spéciale du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar ont une préférence pour l'application télégramme. En effet, la quasi-totalité des co-accusés de l'imam Aliou Ndao avaient installé ladite application dans leurs téléphones portables. A l'image de ses co-inculpés, l'accusé El Hadj Mamadou Ba indique que c'est Ibrahima Ba, le présumé financier des voyages dans le fief des terroristes, qui lui aurait installé ladite application pour avoir des nouvelles de ses amis partis en Libye. A l'en croire, cela lui permettait, en effet, de communiquer avec ses amis, notamment Abou Hatem et Ibrahima Ba.

Les prêches de l'Imam Pape Fall

A Yoff, les jeunes seraient influencés par les nommés Pape Moussa Sow et Moustapha Faye, pour aller rejoindre les rangs de Daesh ou Boko Haram. En tout cas, c'est ce que soutiendrait l'imam Pape Fall qui, selon le président de la Cour, Samba Kane, citant les propos d'El Hadj Moustapha Ba devant le juge d'instruction, avait dit que ce dernier imam demandait aux jeunes de se méfier des personnes susnommées. Selon lui, ces derniers avaient utilisé l'islam pour endoctriner les jeunes de Yoff à faire le djihad en Libye et au Nigéria. Donc, pour l'imam Fall, être «ibadou» ne veut pas dire être djihadiste. Mais le prévenu dit ne pas se souvenir avoir tenu de tels propos.

Les prévenus réclament leur jour de visite

Initialement prévues les mercredis, les accusés de terrorisme et de projet de djihadisme ne profitent plus de leurs heures de visites familiales à cause de la tenue du procès du lundi au jeudi, de 9h à 18h. Par conséquent, hier mercredi, au onzième jour de leur procès, l'un des avocats de la défense, Me Mounir Ballal, sur demande des prévenus, a sollicité du ministère public un réaménagement du calendrier des visites. Il a ainsi demandé que le jour de vendredi, jour de vacance de la Cour, soit accordé aux détenus pour leur permettre de voir leurs proches. Une demande que le procureur, Aly Ciré Ndiaye dit avoir noté. Toutefois, il a précisé que la requête sera déposée au niveau des autorités pénitentiaires et que c'est à eux de voir la faisabilité d'une telle demande, selon leur calendrier.

La Gambie, terre de refuge des «terroristes» ?

Pour éviter d'être arrêté, suite à l'interpellation de 8 présumés terroristes en Mauritanie suivie de leur remise aux autorités sénégalaises, ainsi que les filatures de la Police au Sénégal, Abou Hatem, aurait conseillé les nommés El Hadj Moustapha Ba et Abdou Lakhate Diop de se rendre en Gambie, le temps que les choses se calment. Une manière de patienter avant de rejoindre le terrain. Le présumé terroriste a balayé de tels propos, tout en indiquant qu'il n'a jamais été question de se planquer en Gambie avant de rejoindre le terrain, notamment la Libye. Il admet, tout de même, qu'une proposition d'aller en Gambie leur avait été faite par Abou Hatem, qui devait les mettre en rapport avec quelqu'un, une fois dans ce pays voisin.

Les revirements à 100° d'El Hadj Mamadou Ba

S'il y a quelqu'un qui a inquiété plus d'un au tribunal hier, mercredi 25 avril, lors du procès d'imam Aliou Ndao et co-inculpés, c'est bien le prévenu El Hadj Mamadou Ba. En effet, tout au début de sa comparution, l'accusé avait emprunté une trajectoire qui avait réjouit le président de la Cour. Le juge Samba Kane a relevé que les propos tenus par l'accusé concordaient bien avec ceux tenus devant le juge d'instruction. Mais, au fur et à mesure que l'audition, qui a duré de 9h30mn à la pause à 13h, se poursuivait, El Hadj Mamadou Ba a commencé à varier et revenir sur ses dires. Ce qui a poussé le juge Samba Kane à lui rappeler, à plusieurs reprises, qu'il fallait qu'il prenne le temps de bien réfléchir avant de répondre aux questions. Le procureur, Aly Ciré Ndiaye, lui a d'ailleurs notifié que sa durée à la barre s'expliquait par les revirements à 100° sur les propos tenus devant le juge d'instruction.

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