
Dans un texte publié en 1991 dans la revue Mots. Les langages du politique, le linguiste Maurice Tournier (1933-2013) s’amuse à traquer les origines du terme qu’il rebaptise malicieusement « bac à lauréats ». Et sa quête le conduit jusqu’à la Renaissance. « Officiellement, le baccalauréat est dû à François Ier, qui a institué sous ce nom un nouvel ordre de chevalerie, de type universitaire et non seigneurial, réservé aux hommes de lettres et de science méritants », écrit-il.
Maurice Tournier ne se satisfait cependant pas de cet héritage, qu’il juge sans doute trop récent : il remonte donc jusqu’à un mot de bas latin, baccalarius, qui signifie petit propriétaire foncier. Pendant le haut Moyen Age, son héritier, le bachelier de l’ancien français, désigne le possesseur de quelques arpents de terre, puis tout gentilhomme qui n’est pas suffisamment pourvu de biens pour être banneret (digne de bannière) ou qui n’a pas encore été armé chevalier.
Au XIIe et au XIIIe siècle, le terme se colore de nuances bienveillantes : dans La Chanson de Roland comme dans les œuvres du poète normand Wace, le bachelier est un jeune que l’on admire. « Le terme est universellement laudatif, constate Maurice Tournier. Son sème majeur semble bien être la jeunesse. Il a fini par désigner au Moyen Age tout homme jeune et libre – donc aussi non marié. C’est ce dernier sème qui se perpétue dans bachelor en anglais et dans bachelette en français, la fille à marier. »
Faut-il faire un lien entre le baccalauréat d’aujourd’hui et les cérémonies durant lesquelles les jésuites, à partir du XVIe siècle, ceignent le front des élèves méritants de baies de laurier, bacca laurea ou bacca lauri en latin ? Maurice Tournier s’y hasarde avec délice. « On imagine que le mot baccalarius, sous l’influence de ces couronnes,...