Sophie de Habsbourg. L’impératrice de l’ombre, de Jean-Paul Bled, Perrin, 312 p., 23 €.

Dans ses Mémoires (1929), la comtesse Helene Erdödy rapporte ces propos désenchantés de Sophie de Wittelsbach (1805-1872), duchesse de Bavière puis archiduchesse d’Autriche, mère du futur empereur François-Joseph, qui consacra sa vie à l’ascension de son fils et lui inculqua les valeurs dont ce prince Habsbourg ne se départit jamais : « Malheureusement l’histoire ne sera pas faite par ceux qui me connaissent. C’est un sentiment bien amer de penser que les calomnies sur mon compte continueront même au-delà de ma tombe. »
Morte minée par la faillite de l’idéal conservateur qu’elle incarnait, qui ne parvint pas à endiguer les mouvements libéraux et nationalistes menaçant les monarchies autoritaires, comme par la fin tragique de son fils Maximilien, chimérique empereur du Mexique, Sophie, dont le fils épousa Elisabeth de Bavière, plus connue sous le surnom de « Sissi », ne croyait pas si bien dire, tant la « sissimania » lui conféra dans l’esprit de chacun, tout au long du XXe siècle, le rôle ingrat de la « méchante » belle-mère persécutant la princesse rebelle.
Habsbourg d’esprit sinon de sang
Il était temps de réviser cette image. Fin connaisseur de la dynastie des Habsbourg, Jean-Paul Bled s’y attelle avec sérieux. Fort de l’étude de la correspondance de la dame, qui prit longtemps sa mère, la reine Caroline, comme confidente, puis du journal qu’elle tint après la mort de celle-ci, il dégage la figure d’une femme qui sut patienter, implacablement attachée à ses convictions comme au bonheur de ses enfants et qui, jamais impératrice en titre, le fut dans les esprits. Elle se montra assez « Habsbourg » pour qu’on excuse le biographe, qui lui donne, dans le titre de son livre, un nom qui ne fut jamais le sien, d’inscrire cette Wittelsbach, fille du roi de Bavière, dans la prestigieuse lignée qui l’adopta.