
Au café existentialiste. La liberté, l’être et le cocktail à l’abricot (At the Existentialist Café. Freedom, Being and Apricot Cocktails), de Sarah Bakewell, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat et Aude de Saint-Loup, Albin Michel, 512 p., 24,90 €.
Il est commun d’aborder les plus grandes idées philosophiques comme des énoncés hors du temps, à vocation universelle. On préfère mettre à distance la trivialité du biographique, qui risque de venir entacher une noble pensée. Pour l’essayiste britannique Sarah Bakewell, au contraire, il est bien plus fructueux d’ancrer le discours philosophique dans le contexte d’une époque, et surtout dans celui d’une vie : « Les idées sont intéressantes, mais les gens le sont bien plus. » Après le succès international de Comment vivre ? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse (Albin Michel, 2013), elle s’attaque désormais aux existentialistes. Ces penseurs se prêtent d’autant mieux à ce type de projet qu’ils revendiquent une philosophie centrée sur le vécu – non pas le « je pense » abstrait de Descartes, mais l’expérience concrète et personnelle du monde, des autres et de soi-même : « Les existentialistes habitaient leur monde personnel et historique, comme ils habitaient leurs idées. »
Plutôt que d’écrire un énième manuel de philosophie, Sarah Bakewell préfère donc emmener ses lecteurs au « café existentialiste », pour y faire revivre les idées de ce courant telles qu’elles ont émergé et imprégné la vie de ses auteurs. Elle raconte l’histoire de l’existentialisme dans un récit vivant, pensé comme une « conversation plurilingue et à multiples facettes », dont les principaux protagonistes sont Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Ces derniers sont accompagnés de ceux qui les ont inspirés – en premier lieu, les philosophes allemands Husserl et Heidegger – ainsi que de leurs compagnons de route...