Comment SpaceX s’est fait une place dans l’aérospatiale
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Comment SpaceX s’est fait une place dans l’aérospatiale

L’entreprise californienne s’est bâti en quelques années une solide position sur le marché des lancements de satellites commerciaux.

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Le lanceur lourd « Falcon Heavy », de SpaceX, décolle du pas de lancement 39-A de cap Canaveral, en Floride, le 6 janvier 2018.

Le décollage réussi de son premier lanceur lourd, la Falcon Heavy, mardi 6 février, est une étape importante pour SpaceX, puisque cette puissante fusée, capable de mettre jusqu’à 54 tonnes en orbite basse, est l’une des clés de voûte du programme spatial habité qu’elle ambitionne de réaliser dans les années et décennies à venir. Les destinations sont connues : un voyage habité autour de la Lune en 2019 et une première expédition humaine vers Mars aux alentours de 2025.

Si le cœur des ambitions de l’entreprise fondée par Elon Musk réside dans la présence humaine dans l’espace (le milliardaire américain parlant même de coloniser la planète rouge), l’entreprise s’est jusqu’ici positionnée principalement sur le lancement de satellites commerciaux. Avec un certain succès, eu égard à la jeunesse de SpaceX, fondée en 2002.

Si le premier lancement réussi d’un satellite ne remonte qu’à 2009, cette activité est devenue plus régulière à partir de 2013 avec la Falcon 9, que l’entreprise a fait évoluer vers plus de puissance et de capacité d’emport pour répondre aux besoins du marché. L’activité a ensuite régulièrement crû, atteignant 110 tonnes envoyées en orbite en 2017. Soit près de deux fois plus qu’Arianespace (59 tonnes envoyées en 2017), leader depuis des années.

L'ascension de SpaceX depuis 2010

Masse envoyée annuellement en orbite, par société de lancement.
Note : le tonnage envoyé chaque année par l'agence spatiale chinoise est sous-estimé en raison de la confidentialité de la masse de certains satellites gouvernementaux mis en orbite.

L’ascension de SpaceX et des lancements « low cost »

En matière de coûts, l’entreprise figure parmi les acteurs les plus compétitifs. Alors que le prix d’un lancement est en moyenne de 92 millions de dollars chez ses concurrents, la facture s’élève à 61,2 millions de dollars chez SpaceX pour sa fusée Falcon 9, selon un rapport de la FAA, l’agence fédérale américaine de l’aviation.

Si l’on regarde le coût d’un lancement par kilogramme envoyé dans l’espace, la société américaine est là aussi moins chère que ses concurrentes. Avec des tarifs allant de 4 700 à 12 600 dollars par kilogramme, ses tarifs restent moins élevés que ceux de son principal concurrent, Arianespace, dont la facture oscillerait entre 8 300 et 18 700 dollars par kilogramme en utilisant son lanceur Ariane 5.

L’entreprise européenne, qui tente elle aussi de baisser des coûts pour contrer la concurrence importante de SpaceX, devrait pouvoir réduire la facture jusqu’à une fourchette comprise entre 5 600 et 10 600 dollars par kilogramme, grâce à son futur lanceur Ariane 6. Celle-ci, dont le premier lancement est prévu en 2020, devrait conserver la même capacité d’emport (de 10 à 21 tonnes, selon l’orbite), mais coûter moins cher à produire et à lancer (de 94 à 117 millions de dollars, contre environ 178 millions pour Ariane 5).

Space X, l'un des moins chers du marché

Prix de lancement au kilogramme, déduit d'après le rapport entre la capacité d'emport des lanceurs et le coût des lancements de ceux-ci.
Note : ces chiffres ne sont que des estimations et peuvent différer du montant réel facturé par les sociétés de lancement.

SpaceX, qui a déjà réduit significativement les prix de lancement depuis quelques années, prévoit de baisser ses prix jusqu’à 2 500 dollars par kilogramme, en pariant sur la réutilisation de ses fusées. Un défi technologique qu’elle est en train de relever. L’entreprise reste sur dix-neuf atterrissages réussis de suite pour sa Falcon 9, et est parvenue mardi à faire atterrir deux des trois lanceurs de sa Falcon Heavy, huit minutes après son décollage (le troisième, l’élément central du lanceur, a manqué la barge d’atterrissage). Un argument économique important qui a permis à l’entreprise de se placer sur des lancements « low cost », sept ans après la mise en service du lanceur Falcon 9.

Pour utiliser la Falcon Heavy, l’addition s’annonce, par contre, plus salée. Si la fusée dispose d’une capacité d’emport deux fois supérieure aux lanceurs actuels, ses prix ont été multipliés par quatre, avec un coût de lancement estimé à 270 millions de dollars.

Comme toutes les offres à moindre coût, SpaceX a une ombre à son tableau : la fiabilité. La société d’Elon Musk compte 46 lancements réussis sur 48, alors qu’Arianespace en est à son 79e succès d’affilée pour son lanceur Ariane 5. L’écart n’est pas insurmontable pour l’entreprise américaine, mais sa réputation reste entachée par quelques échecs retentissants. Une Falcon 9 avait notamment explosé au décollage en 2016, détruisant son pas de tir et un satellite a 200 millions de dollars.

Un incident qui n’a pas empêché SpaceX de devancer le géant européen — qui a lui-même connu en janvier des difficultés pour mettre en orbite deux satellites — en nombre de lancements. En sept ans, la société d’Elon Musk a multiplié son activité par vingt.

La « Falcon 9 » devient le lanceur le plus utilisé en 2017

L’autre atout concurrentiel de SpaceX réside dans la fréquence de lancement de ses Falcon 9. En 2017, SpaceX a procédé à dix-huit tirs, dépassant Arianespace et ses onze lancements (six Ariane 5, trois fusées Vega et deux Soyouz). Dans un marché en pleine expansion, où le nombre de pays clients croît chaque année, la capacité de répondre à la demande apparaît comme un élément-clé de la stratégie de l’entreprise californienne.

La Falcon 9 devient le lanceur le plus utilisé en 2017

Nombre de lancements annuels par fusée.

Dans cette optique, la société d’Elon Musk a annoncé en novembre 2017 vouloir augmenter la cadence de lancement de 50 % en 2018, fixant un objectif de 30 à 40 lancements par an, soit le triple (voire le quadruple) de la fréquence de production actuelle d’Arianespace.

Hors du programme habité et de l’objectif martien, le rôle de la Falcon Heavy reste incertain, tant ses capacités de lancement sont surdimensionnées par rapport au marché actuel. Le lanceur lourd pourrait toutefois trouver une utilité dans le déploiement d’une constellation de 4 000 satellites que SpaceX prévoit de lancer afin d’améliorer la couverture Internet dans les endroits les moins connectés du globe.

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