
Une effervescence inhabituelle gagne la salle de presse flambant neuve du nouveau bâtiment du Conseil (des Etats membres), en plein cœur du quartier européen de Bruxelles. Des journalistes agrémentent le pupitre de fanions, y posent des bouteilles d’alcool et fixent un ballon de baudruche en forme de « T » doré. Quelqu’un lance la bande-son de Zorba le Grec, juste au moment où Thomas Wieser franchit le seuil. On est mi-janvier, et il s’apprête à donner le dernier briefing off the record de sa carrière.
L’Autrichien de 64 ans a assuré pendant six ans, non-stop, durant toute la crise de l’euro, la présidence de l’Euroworking group (EWG). Il s’agit d’un groupe d’experts des pays membres de la zone euro (souvent, les directeurs du trésor), qui préparent en amont les réunions bruxelloises de leurs ministres. Bien moins exposé que le président de l’Eurogroupe, le président de l’EWG joue néanmoins un rôle clé dans la gouvernance de la zone euro.
Toujours impeccable, costume en tweed et cravate sobre, M. Wieser marque un temps d’arrêt, salue l’assistance, puis commence à dérouler son « briefing », comme si de rien n’était. Au menu du prochain Eurogroupe : de la Grèce, encore et toujours, une première discussion entre ministres sur les réformes attendues dans la zone euro (Union bancaire, Fonds monétaire européen, etc.), un point sur la situation macro-économique. Rien de passionnant, mais la salle ne pipe mot et prend scrupuleusement des notes.
Club opaqueAvec sa barbe blanche bien taillée, des yeux rieurs derrière ses lunettes en écaille, Thomas Wieser est une petite légende pour tous les journalistes qui, entre 2011 et 2015, ont relaté les soubresauts de la crise grecque. Un des rares à avoir levé un pan du voile de l’Eurogroupe, club aussi puissant qu’opaque. A condition de ne pas être cité nommément (c’est la règle dans les institutions de l’Union, devoir de réserve des fonctionnaires oblige), il distillait...