
« Je vais peut-être vous surprendre, mais je suis heureux d’être devant vous cet après-midi. » Alors qu’il ne s’était pas encore exprimé depuis sa révocation, mercredi 31 janvier, le PDG de Radio France, Mathieu Gallet, a choisi la voie de l’apaisement lors de sa première prise de parole devant les salariés, lundi 5 février, dans la grande salle de l’auditorium de la Maison de la radio, entouré de son équipe.
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Le changement de ton est notable, après la première réaction de ses avocats, qui avaient dénoncé une « décision arbitraire » prise sous « la pression de l’Etat », « plus forte que la présomption d’innocence ». Il a finalement préféré soigner sa sortie plutôt que d’aller à l’affrontement. Un discours en forme d’adieu, alors que M. Gallet va rester en poste jusqu’au 1er mars.
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Lundi, M. Gallet n’a pas évoqué sa condamnation en première instance à un an de prison avec sursis pour des faits de favoritisme lors de son passage à l’Institut national de l’audiovisuel (entre 2010 et 2014) ni contesté la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), « institution légitime pour nommer et démettre ».
Cependant, il a souligné sa « détermination » pour que, « jusqu’au dernier moment, l’intérêt de l’entreprise soit préservé au mieux ». Il a également appelé les personnels à rester mobilisés sur les projets en cours face aux « bouleversements qui nous sont promis », sans céder à « l’abattement » et en s’appuyant sur le bilan de ses quatre années de mandat.
Une « trajectoire gagnante »
« Avec le temps, vous aurez compris ma psychologie : quand on est attaqué, il faut être offensif », a-t-il lancé – un clin d’oeil à la résistance dont il a fait preuve lors de la très longue grève de son début de mandat, en 2015. « Votre capacité à être en mouvement sera votre meilleure défense, car vous serez d’attaque », a-t-il également déclaré.
Mathieu Gallet a été longuement applaudi, à son arrivée mais aussi à la fin de son discours, d’une quinzaine de minutes. Un retournement symbolique par rapport aux débuts difficiles de sa présidence. « La culture de Radio France n’est parfois pas évidente à dompter. J’ai mis du temps à la comprendre », a concédé celui qui s’est toujours posé en manageur plus qu’en homme de radio, avant d’ajouter : « Mais vous avez aussi appris à me connaître. Une rencontre s’est faite. »
J’ai soigné ma tristesse et suis pleinement avec vous dit @mathieu_gallet applaudi par les salariés qui se lèvent s… https://t.co/gTrttmeXRp
— snj_rf (@SNJ Radio France)
Après avoir dit que le « bilan » devrait être évalué par d’autres que lui, le PDG a cependant estimé que Radio France était sur une « trajectoire gagnante » : « C’est là la garantie pour l’avenir », a-t-il assuré. Le dirigeant a alterné le « vous » et le « nous » et même eu des accents mystiques en évoquant « un esprit des lieux et un esprit dans ces lieux. Et je ne parle pas seulement de l’auditorium... »
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M. Gallet a jugé qu’avec sa stratégie de « média global » (radio-télévision-Internet), Radio France était « en avance », notamment sur les autres médias publics. Un plaidoyer pro domo qui, au passage, égratigne un peu France Télévisions.
Pour les semaines à venir, le président a donné des précisions sur la période de transition qui s’ouvre. Il rencontrera mardi Jean-Luc Vergne, le doyen des personnalités indépendantes du Conseil d’administration, pressenti pour lui succéder, afin de « discuter avec lui des conditions dans lesquelles cet intérim va se dérouler ».
« Cette équipe, c’est l’une de mes fiertés »
« Pour moi, il y a une conviction forte : cet intérim se déroulera dans les meilleures conditions parce qu’il y a une équipe sur laquelle il peut s’appuyer, une équipe professionnelle et dévouée à même de réussir cette transition », a-t-il affirmé. Mathieu Gallet convoquera également avant la fin du mois un conseil d’administration pour « faire passer un certain nombre d’actes qui sont attendus pour le bon fonctionnement de l’entreprise », a-t-il précisé. « L’occasion pour moi de dire au revoir aussi au conseil d’administration. »
« Cette équipe va rester », a aussi garanti M. Gallet. Les directeurs de France Inter, France Info ou France Culture, ainsi que la secrétaire générale ou les autres directeurs, devraient donc épauler M. Vergne au cours des mois à venir. C’était aussi un souhait du ministère de la culture. « Cette équipe, c’est l’une de mes fiertés. Car bien s’entourer est l’une des qualités qu’on attend d’un leader », s’est félicité M. Gallet. Son équipe est effectivement restée assez stable, notamment par rapport à celle de Delphine Ernotte à France Télévisions.
A l'auditorium de Radio France, Mathieu Gallet, très ému s'exprime devant les salariés pour évoquer l'avenir et not… https://t.co/tv1xuOYSor
— NZidane (@Nour Eddine Zidane)
Enfin, Mathieu Gallet a mentionné les projets de « réforme » de l’exécutif, qui promet de bousculer l’audiovisuel public, soulevant les craintes des personnels. « Je m’y suis pleinement inscrit et je vais continuer, avec une liberté retrouvée », a dit M. Gallet, qui semble vouloir utiliser sa fin de mandat pour poursuivre les rendez-vous avec les parties concernées. « Vous vous dites qu’ensuite, il n’y aura plus d’incarnation pour défendre Radio France dans les discussions. C’est vrai (...), mais nos projets en cours sont tous sur la table », a-t-il rappelé, citant les plates-formes d’information régionale et de contenus pour les 13-30 ans actuellement en préparation avec France Télévisions.
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« Même si vous êtes plein de doutes, que vous ressentez une part de désarroi, voire de colère, même si ce n’est pas facile, restez concentrés sur le travail en cours », a lancé le président de Radio France aux salariés. « C’est ce qui fait qu’à l’avenir, Radio France restera Radio France. » Une façon de tenter d’inscrire son passage, même écourté, dans la longue histoire de la maison.