
Tribune. Pour mieux protéger nos données personnelles, une idée revient souvent : faire que les données numériques appartiennent à ceux qui les produisent. C’est la thèse défendue dans Le Monde (daté du 6 février) par plusieurs signataires, dont le député (LRM) Bruno Bonnell, le philosophe libéral Gaspard Koenig et l’informaticien Jaron Lanier (« Nos données personnelles nous appartiennent : monétisons-les ! »). Cette idée fait écho à une autre, défendue au XIXe siècle par exemple par Pierre-Joseph Proudhon, selon qui un champ doit appartenir à ceux qui le cultivent.
Le cas des données numériques est cependant un peu plus complexe que celle de des champs d’orge ou de blé, car qui cultive les données ? Ceux qui les produisent (vous et moi, les géants du Web, les hôtels…), ou ceux qui les entassent et les analysent pour en tirer du profit (ni vous et moi) ? Dans le cas d’un champ, décider que le champ appartient à ceux qui le cultivent éclaire la question. Dans le cas des données numériques, cela ne fait que la rendre plus confuse.
L’idée d’établir la propriété de chacun sur ses données personnelles part peut-être d’un bon sentiment, mais c’est une fausse bonne idée.
De très faibles profitsPremière idée fausse : cela poserait un problème aux géants du Web. C’est loin d’être certain. Une fois notre propriété établie, une clause des contrats qu’ils nous feront signer nous la fera céder pour bénéficier de services. Et pour eux, ce sera open bar.
Une autre idée fausse : nous serions assis sur un trésor qu’il nous suffirait de ramasser. Le fait que les géants du Web tirent une manne considérable de nos données massivement, ne veut pas dire qu’elles ont une vraie valeur individuellement et qu’ils soient prêts à payer pour ces données en réduisant leurs profits. Dans les systèmes de « crowd sourcing » comme Mechanical Turk, des foules d’internautes produisent déjà sur le Web mais pour de très faibles...