« La solitude est partout et nulle part. Cette “garce” avec sa “triste gueule de l’ennui”, si joliment décrite par Barbara »
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La Matinale du 02/02/2018
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« La solitude est partout et nulle part. Cette “garce” avec sa “triste gueule de l’ennui”, si joliment décrite par Barbara »

La Fondation de France estime à 5 millions le nombre de personnes vivant dans l’isolement dans notre pays, rappelle, dans sa chronique, Benoît Hopquin.

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Le « carré des indigents » au cimetière de Thiais est destiné aux inhumations des corps non réclamés.

Chronique. Mardi 30 janvier, sous une pluie froide, deux personnes ont accompagné, de l’Institut médico-légal de Paris au cimetière de Thiais, Alain Poux (17 juin 1963-25 décembre 2017), Carmen Chavet (15 mai 1927-1er janvier 2018), Geneviève Bouley (1932-2017) et Serge Vildeuil (1960-2017). Elles ont lu un petit texte devant la tombe de ces défunts dont elles ignoraient jusque-là l’existence. Elles ont déposé une fleur pour réchauffer la pierre. Puis elles se sont rendues dans un café, ont consigné dans un classeur ce sobre cérémonial et publié un hommage sur Facebook.

La veille, l’humble cortège avait suivi Armelle Quentin, Vitor Casaleiro Ribeiro, Cabko Mapkob et Marie-Françoise Rigal. Mots, fleur, café : un protocole sommaire mais un protocole tout de même. Une dernière marque d’humanité adressée à un représentant de ladite humanité. Parce que quelqu’un est mort et un mort c’est quelqu’un. Parce que tout être de notre misérable espèce doit avoir le droit à cette digne sortie, les pauvres comme les riches, les anonymes comme les célébrités, Alain Poux comme Johnny Hallyday.

Une ultime civilité

Ainsi est-il, au moins deux fois par semaine, depuis 2004, car ainsi le veulent cinquante bénévoles du collectif Les Morts de la rue. Ils se relaient pour accorder à des inconnus cette dernière courtoisie, cette ultime civilité : qu’ils ne partent pas seuls, corps et âme. Admirable dévouement que cet In Memoriam ou plutôt ce « Salut l’ami », pour des gens qui avaient perdu la chaleur de l’amitié.

L’administration les appelle pudiquement « les morts isolés ». Ils ne sont pas SDF pour la plupart. Ils avaient un toit, des habitudes. Mais nul parent ou proche ne s’est signalé après l’annonce de leur décès. On sait des registres d’état civil qu’ils sont nés à Rodez, Fort-de-France, Saint-Pourçain-sur-Sioule ou en Bulgarie. On connaît leur dernier domicile, là où bien souvent leur corps a été retrouvé, parfois longtemps après. L’entre-deux,...