Jonas Mekas : « Il faut voler les films qu’on aime ! »
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Cinéma
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Jonas Mekas : « Il faut voler les films qu’on aime ! »

Agé de 95 ans, le cinéaste et poète, figure de l’underground new-yorkais, publie ses souvenirs.

Le Monde | | Propos recueillis par

Le cinéaste Jonas Mekas à la Galerie du jour (Agnès b.) à Paris, le 25 janvier 2018.

Le poète et cinéaste Jonas Mekas était à Paris à la fin janvier, invité par la Cinémathèque française dans le cadre de la programmation consacrée au centième anni­versaire de l’indépendance de la Lituanie. Il a profité de son séjour parisien pour promouvoir son nouveau livre, A Dance With Fred Astaire (Anthology Editions, 2017). Recueil de souvenirs illustré par une brassée d’archives personnelles, ce beau pavé se présente comme un voyage intimiste, tout en malice et en légèreté, au cœur de la scène artistique new-yorkaise des années 1960 et 1970 dont il fut, au côté de son ami Andy Warhol, le gourou discret. Du haut de ses 95 ans, ce vieux sage évoque le passé, tout en devisant sur le présent, dans lequel il reste solidement ancré.

Avec la Cinémathèque ­française, vous avez une longue histoire. Vous avez créé à New York la Film Makers’Cinematheque, qui allait devenir l’Anthology Film Archives. Dans votre livre, vous racontez comment Henri Langlois, le fondateur de la Cinémathèque française, vous a appris qu’il fallait voler les films que vous aimiez…

Oui ! Il nous avait envoyé tous les films de Jean Epstein pour une rétrospective que nous étions en train d’organiser. A la fin de celle-ci, nous lui avons renvoyé les copies, et, peu de temps après, j’ai voulu lui en emprunter deux à nouveau. Ma demande l’a mis dans une colère noire ! Il a accepté, mais non sans nous traiter au passage d’imbéciles : nous aurions dû profiter de son premier prêt pour copier les films ! Il faut voler les films qu’on aime : c’est une leçon très profonde. Le nombre de films qui doivent leur survie à des amoureux du cinéma qui ont fait des copies sans demander l’autorisation est considérable.

Vous-même vous êtes initié à l’art en pirate. Quand vous êtes arrivé à New York à la fin des années 1940, après des ­années passées dans des camps de déplacés en Europe, vous vous êtes débrouillé pour suivre des cours à l’université,...