« La recherche économique a tout à gagner à explorer le passé »
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« La recherche économique a tout à gagner à explorer le passé »

Dès ses débuts, la théorie économique a réfléchi aux conditions et aux limites de l’exploitation des ressources naturelles. Des enseignements aujourd’hui très précieux pour penser la question climatique, estime Antoine Missemer, du CNRS, dans une tribune au « Monde ».

Le Monde | • Mis à jour le | Par

« La problématique de la rente pétrolière trouve ses racines à la fin du XIXe siècle et a parfois donné lieu à des développements théoriques qui mériteraient réexamen. » (Terrils).

Tribune. Que la science économique ne soit pas une science exacte, beaucoup en conviennent. Qu’elle ait besoin de s’ouvrir aux autres disciplines, en particulier aux autres sciences sociales, de plus en plus l’admettent et œuvrent en ce sens. Que l’histoire ait toute sa place dans ce dialogue interdisciplinaire, c’est là un défi important. Certes, le temps long nourrit des travaux majeurs, comme ceux de Thomas Piketty sur les inégalités.

Mais beaucoup restent enclins à considérer que les expériences passées sont d’un intérêt heuristique modeste : d’une part, les théories contemporaines tiendraient compte des erreurs du passé ; d’autre part, les expériences d’hier ne nous diraient pas grand-chose sur les problèmes inédits d’aujourd’hui.

Le premier argument suppose un savoir économique cumulatif, ce qui est contestable lorsque l’on connaît les aléas tumultueux de l’histoire de la discipline. Sur le deuxième argument, beaucoup de défis contemporains, comme l’essor des nouvelles technologies ou le changement climatique, ont les traits d’enjeux nouveaux. L’histoire ne mérite pourtant pas d’être mise au ban, même sur ces sujets a priori sans précédent.

Pic charbonnier

L’exemple du développement durable est significatif. Les historiens de l’environnement ont montré combien les questions de pollution et de transition énergétique ont été importantes par le passé. Les discours économiques sur ces sujets sont eux-mêmes anciens et méritent une attention renouvelée dans le ­contexte contemporain.

Lorsque l’économiste britannique William Stanley Jevons (1835-1882) s’est intéressé au risque de pic charbonnier, il a contribué à autonomiser le discours des économistes vis-à-vis de l’expertise des ingénieurs et des géo­logues. Cette émancipation continue aujourd’hui de produire des malentendus. Les uns, les économistes, confient toujours au signal prix le rôle d’indicateur de rareté ; les autres, issus des sciences de la Terre, soulignent...