
Je suis un Parisien pur jus, un enfant du onzième arrondissement. On a toujours bien mangé dans la famille : mes parents ne travaillent pas dans la restauration, mais ce sont de bons vivants. Je dirais que mon père m’a donné le goût de manger et ma mère m’a appris à cuisiner. L’une de ses spécialités dont je raffole, les oiseaux sans tête, sont de savoureuses paupiettes nappées d’une sauce à la crème fraîche, vin blanc, moutarde et gruyère. J’aime le salé, mais je pratique beaucoup plus le sucré. Tout petit déjà, je faisais des gâteaux avec ma mère, surtout le week-end. Gâteaux au chocolat, tartes, cakes.
Vers l’âge de 10-12 ans, j’ai commencé à préparer les pâtisseries pour toute la famille. Des petits formats assez simples, mais qui demandent un peu de technicité : biscuits, boules coco, madeleines, financiers… C’est ainsi que je me suis fait la main.
M’orienter vers la pâtisserie professionnelle s’est imposé comme une évidence : j’ai fait ma formation auprès des Compagnons du devoir à Châlons-en-Champagne. Après mon bac pro, j’ai travaillé deux ans au département sucré de La Grande Epicerie, et j’ai rencontré ma future femme. D’origine japonaise, pâtissière aussi, elle est passée chez Pierre Hermé et Hélène Darroze. Quelques mois après notre rencontre, en 2003, elle est repartie au Japon, où je l’ai rejointe. C’était le début de mon histoire d’amour avec elle, mais aussi avec son pays.
Influencé par la gastronomie nippone
A Tokyo, j’ai participé à l’ouverture du restaurant Beige d’Alain Ducasse, avec Nicolas Berger (aujourd’hui à la tête de La Manufacture de Chocolat d’Alain Ducasse) et Claire Heitzler (désormais chez Ladurée). C’était une expérience très formatrice, mais ce qui m’a surtout influencé, c’est la culture gastronomique nipponne. J’ai découvert les wagashis, petites pâtisseries traditionnelles en forme de bouchées qui se dégustent avec le thé, souvent à base de farine de riz et de haricots azuki – un produit qui m’inspire beaucoup et que j’ai utilisé, cette année, dans mes galettes des rois.

Etrangement, c’est aussi au Japon que j’ai découvert la miche de pain – à Paris, je lui préférais la baguette. Les Japonais étant obsédés par la boulangerie française traditionnelle (comme par la pâtisserie et la chocolaterie), ils ont appris à faire le pain au levain mieux que personne. Ma passion est née là.
Quand, de retour en France, j’ai décidé de monter ma boulangerie, il m’a semblé impératif de proposer de grosses miches de pain au levain, rustiques et pures. Six mois après l’ouverture, nous avons créé le Pain des voisins. C’est un pain de partage, qui accompagne le repas et dont on arrache des morceaux pour saucer son assiette. Composé d’un mélange de farines de froment, seigle et sarrasin, qui rappelle les nouilles soba, il est longuement fermenté. Il prend son temps et raconte une histoire.
Boulangerie Bo, 85 bis, rue de Charenton, Paris 12e.
Recette
Ingrédients : pour 2 miches de 1 kg
A préparer 48 h à l’avance : 700 g de farine de froment T65, 100 g de farine de sarrasin, 200 g de farine de seigle T170 bio, 70 cl d’eau, 24 g de sel marin, 50 g de miel, 350 g de levain dur.
Jour 1
Rafraîchir le levain dur au tant pour tant (soit 35 cl d’eau et 350 g de farine) et laisser reposer 2 h. Mettre les trois types de farines et l’eau dans la cuve d’un robot, pétrir rapidement. Laisser reposer 2 h pour l’autolyse (la dégradation des glutens). Ajouter le levain, le sel et le miel dans la cuve, et pétrir pendant 16 min en vitesse lente. A défaut de robot, pétrir à la main pendant 20 à 30 min, jusqu’à ce que la pâte soit bien lisse. La transférer sur un plan de travail fariné, faire deux rabats, et laisser pointer (lever) pendant 3 heures à température.
Former deux pâtons, rabattre les côtés sur le centre, laisser reposer 20 min, puis façonner plus vigoureusement avant de placer les pâtons dans des bannetons (paniers recouverts d’un linge) et fariner. Laisser reposer 2 heures à température, et réserver au frais (idéalement 7-8 °C) jusqu’au lendemain.
Jour 2
Avant la cuisson, laisser les bannetons revenir à température pendant 30 à 45 min. Retourner les bannetons sur une pierre ou, à défaut une plaque de cuisson, et donner des petits coups de lame sur les miches (grignage). Enfourner les pains à 250 °C pendant 45 min. éteindre le four, entrouvrir la porte et laisser les pains encore 20 à 30 min pour terminer la cuisson en séchant légèrement. Sortir les miches et les laisser refroidir sur une grille à température ambiante pendant 1 à 2 h.