Dans l’atelier des feuilletonistes du « Monde des livres »
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Dans l’atelier des feuilletonistes du « Monde des livres »

En 1992, à l’occasion des 25 ans du supplément, Bertrand Poirot-Delpech (1929-2006) était revenu avec malice sur l’exercice périlleux du feuilleton littéraire.

Le Monde | • Mis à jour le

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Après « Poirot », le feuilleton du « Monde des livres » a été rédigé successivement par Michel Braudeau, Pierre Lepape et Eric Chevillard, qui se prêtent à leur tour au jeu. Il est aujourd’hui, rappelons-le, tenu par Claro.

Un grand Marelier !

Par Bertrand Poirot-Delpech, de l’Académie française Feuilletoniste de 1972 à 1989 Ce texte a été initialement publié le 20 mars 1992

Marelier n’est pas à sa place, dans nos Lettres. Plutôt crever devrait l’y mettre, enfin. Parce qu’il se tient à l’écart des comédies parisiennes, on oublie ­Marelier après chaque publication, bien que ses livres touchent au cœur le petit nombre des fervents de vraie littérature.

Dès le coup d’essai de Meurtrissure, ce fut un coup de maître. Nous sommes quelques-uns à nous souvenir de la pudeur rigoureuse avec laquelle le jeune Marelier évoquait ses vacances à Pornichet et l’amour pour une mère fantasque aux jupes pastel. Un ton s’affirmait, une voix.

On attendait Marelier au second livre, bien entendu. Ce fut une injuste curée. Cela gênait trop de monde, ces Erreurs du siècle où un ancien collabo et un ex-stalinien ruminaient leurs fourvoiements, au cœur de Cévennes gavées d’odeurs et invitant tendrement à « vivre quand même ».

L’essai qui suivit, Une chance inouïe, traitait de la fin des idéologies et se lisait comme un roman. « Important et emportant », ont dit les publicités, reprenant un de mes articles. Je n’ai rien à y changer. Marelier damait le pion à bien des penseurs de l’après-gauchisme.

Et Dieu, dans tout ça ? fit justement sensation. On sut gré à un homme aussi effacé de raconter sa conversion religieuse, au couvent des bénédictines, le jour où sa cousine Paule, aperçue dans Meurtrissure, prenait le voile. La gravité n’exclut pas, chez Marelier, un humour décapant, et salubre en nos temps d’empois. Sans parler de son écriture, où Barthes sut...