Au Liban, l’enseignement de l’Histoire s’arrête en 1946, date du départ des derniers soldats français. Les empoignades politiques des décennies 1950, 1960 et 1970, entre le camp pro-arabe et le camp pro-occidental, et les tueries de la guerre civile, entre 1975 et 1990, sont bannies des manuels scolaires. La loi d’amnistie, proclamée à la sortie de ce conflit fratricide, a instauré une omerta de fait, frappant les institutions et la société d’amnésie. Sous la pression des anciens chefs de milice, entrés en politique aussi vite qu’ils avaient mis Beyrouth en coupe réglée, toute enquête sur les crimes commis par les uns et les autres est devenue taboue. Hors champ.
D’où le choc causé par L’Insulte. En traitant de front la question ultrasensible du vieil antagonisme entre chrétiens libanais et Palestiniens réfugiés au Liban, considéré comme le catalyseur de la guerre, le film de Ziad Doueiri a créé l’événement. Il a attiré 121 000 spectateurs depuis sa sortie début septembre – un très bon résultat, dans un pays de 6 millions d’habitants –, et sera présent aux Oscars début mars dans la catégorie du meilleur film étranger.
Au box-office de 2017, L’Insulte se hisse à la 3e place, la première étant occupée par un blockbuster américain, la huitième déclinaison de Fast and Furious (182 000 entrées). « C’est un film majeur pour l’évolution des mentalités au Liban, juge Ziyad Makhoul, rédacteur en chef du quotidien L’Orient-Le Jour. Il y a une volonté chez certains artistes libanais de déblayer, de nettoyer nos écuries d’Augias. »
L’audace de L’Insulte consiste dans le fait qu’il aborde un épisode occulté de la guerre civile : le massacre de Damour, une localité chrétienne, au sud de Beyrouth, dont une partie des habitants ont été exécutés en janvier 1976 par des miliciens de l’OLP, emmenés par la Saïka, branche prosyrienne de la centrale palestinienne.
Sabra et...