Lyrique : Kaija Saariaho, première du nô
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Lyrique : Kaija Saariaho, première du nô

L’univers éthéré de « Only the Sound Remains », quatrième opéra de la compositrice finlandaise, a été acclamé au Palais Garnier.

Le Monde | | Par

« Only the Sound Remains », de Kaija Saariaho à l’Opéra Garnier à Paris.

Créé en mars 2016 à Amsterdam (dans une production qu’Erato vient de publier en DVD), l’opéra Only the Sound Remains, de Kaija ­Saariaho, a été ovationné lors de sa première française, mardi 23 janvier au Palais Garnier. La partition de la compositrice finlandaise, née en 1952, repose sur un livret d’Ezra Pound et d’Ernest Fenollosa réunissant deux pièces du théâtre nô.

Deux fables qui tournent l’une et l’autre autour de la lune, du vent et des tourments de la nature humaine. Dans chaque histoire, un homme est confronté à une créature de l’au-delà. La première, Always Strong (« toujours fort »), s’attache à la figure de Tsunemasa, courtisan mort au combat. Un prêtre entretient sa ­mémoire en priant près du luth que l’empereur avait offert à son favori. Tsunemasa lui apparaît sous une forme trouble dont « il ne subsiste que le son » (Only the Sound Remains), après une douloureuse dialectique de l’ombre et de la lumière.

Le second volet du diptyque, Feather Mantle (« manteau de plumes »), relate les mésaventures d’un pêcheur qui veut s’approprier la cape de la Tennin (un esprit lunaire), avant d’y renoncer au profit d’une danse de plaisir.

« Mime en scène »

Aucun décor pour encadrer ces face-à-face, juste une immense toile hachurée de noir par Julie Mehretu. Appelé à rougir ou à verdir en fonction des humeurs surnaturelles (lumières de James F. Ingalls), cet écran parfois translucide sert idéalement la mise en scène de Peter Sellars, ou plutôt sa « mime en scène », tant il utilise les jeux de mains.

De la simple suggestion (maniement du luth ou de la barque) à l’action pénétrante (quand l’esprit de Tsunemasa prend littéralement possession du corps du prêtre), le mime connaît de nombreuses variations. Evoqué par la peinture, souligné par la direction d’acteurs et démultiplié par les éclairages, le geste se trouve au cœur de l’expression musicale.

Ce principe de l’éclosion, intimiste...