
Fétiche, de Mikkel Orsted Sauzet, Presque Lune, « Lune froide », 202 p., 25 €.
Mikkel Orsted Sauzet est né de parents français et danois, et s’est installé entre les deux pays, en Belgique, pour étudier la BD puis publier son premier album Fétiche, aux éditions Presque Lune.
A la fin du XVIIIe siècle, alors qu’ici, on coupe la tête des rois, un autre chapitre de l’histoire de France est sur le point de s’écrire. Portée par les mêmes idéaux de liberté et d’égalité, c’est une révolution que l’on aime moins évoquer, même si elle va elle aussi donner naissance à une république : celle des esclaves d’Haïti. C’est l’histoire de l’une d’entre elles, exploitée par les colons français dans les champs de canne à sucre et les bordels, que l’auteur conte, en la liant à trois instantanés de cette révolte. Trois actes sans paroles, comme ces esclaves qui n’ont pas de voix, mais rythmés par le tambour et les coups de fouet, la colère qui gronde plus fort à chaque page.
Toute l’histoire est dessinée au stylo Bic rouge uniquement, et cette couleur seule suffit à tout raconter : les traces de coups de fouet, les poupées vaudoues, le marquage au fer, la douleur, la haine. Cela commence par le sang de cette esclave qui se cache loin de la plantation pour accoucher seule d’un bébé à la peau claire, une petite fille avec laquelle elle essaiera immédiatement de se jeter du haut d’une falaise. Mais l’enfant est « sauvée » par le fouetteur d’esclaves indigène, et ramenée parmi les siens, pour connaître le même destin que sa mère. Elle est confiée à une nourrice de substitution, entourée de ses enfants, qui se détourne du bébé blanc au moment de la mettre à son sein. La petite grandit dans cette geôle d’esclaves enchaînés, que le propriétaire de la plantation utilise aussi comme maison close pour les autres colons. De courtes séquences de sa vie, brutales et denses, dévoilent ensuite son...