Affaire Lactalis : une première plainte contre les services de l’Etat
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Sécurité sanitaire

Affaire Lactalis : une première plainte contre les services de l’Etat

Les parents d’un enfant tombé malade après avoir consommé du lait contaminé ont déposé, mercredi, une plainte contre Lactalis et les autorités.

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Les services de l’Etat ont-ils failli dans l’affaire Lactalis ? Le débat, sensible, risque de s’inviter sur le terrain judiciaire. Une plainte, déposée mercredi 24 janvier auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris, et dont Le Monde a pu prendre connaissance, met en cause deux organismes étatiques pour complicité d’« administration de substances nuisibles aggravée ».

Les plaignants sont les parents d’un petit garçon, tombé malade fin décembre 2017 après avoir bu du lait infantile contaminé et fabriqué dans l’usine de Craon, en Mayenne. Le bébé, « très affaibli », a dû être hospitalisé le 27 décembre, « aux urgences du CHU de Lenval, à Nice », est-il indiqué dans la plainte.

Si l’avocat des parents, Yassine Bouzrou, désigne Lactalis comme « auteur principal » de l’infraction, il vise aussi la direction générale de l’alimentation et la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDSCPP) de la Mayenne pour complicité.

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Une douzaine de plaintes déjà versées

Ces dernières semaines, les plaintes se sont accumulées. L’association UFC-Que choisir en a déposé une contre Lactalis, le 29 décembre, pour « tromperie ». Onze jours plus tôt, Quentin Guillemain, président d’une association de victimes, en avait fait de même pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

Entre les deux dates, une enquête préliminaire a été ouverte au pôle santé publique du parquet de Paris, le 22 décembre, pour « blessures involontaires », « mise en danger de la vie d’autrui », « tromperie aggravée par le danger pour la santé humaine » et « inexécution d’une procédure de retrait ou de rappel d’un produit » préjudiciable à la santé. Sollicité par Le Monde, le parquet de Paris a indiqué, mercredi, qu’une douzaine de plaintes avaient déjà été versées à la procédure. Les parents et leur avocat souhaitent désormais la désignation d’un juge d’instruction.

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La nouveauté de la démarche des deux parents réside donc dans la mise en cause de la responsabilité de l’Etat. Me Bouzrou ne s’appuie pas sur des éléments nouveaux, mais principalement sur les révélations du Canard enchaîné concernant une inspection de contrôle réalisée par la DDSCPP de la Mayenne le 5 septembre 2017 à l’usine de Craon, contaminée à la salmonelle et au cœur du scandale sanitaire depuis début décembre.

Ce 5 septembre, des inspecteurs vétérinaires se sont rendus à l’usine mayennaise pour effectuer une visite de contrôle. D’après l’hebdomadaire satirique, leur rapport ne mentionne pas de manquement, et la direction générale de l’alimentation a donc jugé le niveau d’hygiène « très satisfaisant ». Pourtant, en août et en novembre 2017, des bactéries de salmonelle avaient été détectées lors de deux contrôles internes réalisés par Lactalis.

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Défaillance des contrôles étatiques ?

Y aurait-il eu défaillance des contrôles étatiques ? Selon le préfet de Mayenne, ceux du 5 septembre ne portaient pas sur les tours de déshydratation du lait infantile, mais sur les ateliers de fabrication et de conditionnement de céréales. Le groupe Lactalis n’était par ailleurs pas obligé de notifier les services de l’Etat de ses contrôles internes. Mais Le Canard enchaîné a révélé que le rapport du 5 septembre était pourtant aussi censé porter sur « la déshydratation de lait ou produits laitiers ».

« Force est de constater que les fonctionnaires de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Mayenne n’ont volontairement pas effectué de contrôles sur la production de lait infantile, estime Me Bouzrou, et que malgré ce défaut de contrôles, la direction générale de l’alimentation a accepté d’affirmer que le niveau d’hygiène était très satisfaisant pour l’ensemble de la production de l’usine. »

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Tout en reconnaissant l’existence de ces deux autocontrôles d’août et de novembre révélant la présence de la bactérie dans l’environnement de l’usine, les dirigeants de Lactalis ont réfuté une quelconque faute de la part du groupe. « Nous n’avions pas d’éléments montrant que nos produits étaient touchés », s’est défendu le président du géant laitier, Emmanuel Besnier, dans le Journal du Dimanche, le 14 janvier. Alors que plus d’une trentaine de bébés ayant consommé des produits Lactalis ont été atteints de salmonellose, selon des données de l’agence Santé publique France, le groupe a été critiqué pour sa gestion de la crise.