24 Janvier 2018

Sénégal: Exceptions soulevées au procès de Khalifa Sall et compagnie - La constitution de partie civile de la mairie tient en haleine la cour

Le procès opposant l'État du Sénégal à l'édile de Dakar, Khalifa Sall, et coaccusés dans l'affaire dite de la caisse d'avance de la mairie a repris hier, mardi 23 janvier après son renvoi en début de mois.

Pour ce premier jour du procès, les différends acteurs, notamment le procureur de la République, l'agent judiciaire de l'État et ses avocats, ainsi que les conseils de la défense, sans oublier les conseils de la ville de Dakar se sont relayés à la barre pour plaider pour ou contre la constitution de partie civile des conseillers de la collectivité de Dakar.

C'est l'agent judiciaire de l'État, en la personne d'Antoine Diome, qui a en premier lieu ouvert les hostilités en plaidant pour la non-constitution de partie civile de la municipalité de Dakar.

Pour lui, l'État ne conteste pas qu'une partie quelconque se constitue partie civile, mais dès lors que le préfet a demandé aux Conseillers de la ville de relire la délibération faite le 15 janvier dernier, au vue de se constituer partie civile, on ne peut pas à l'état actuel admettre la présence de la ville de Dakar à la barre.

Cela, à cause de certains manquements notés dans ladite délibération, à savoir le manque d'invocation des motifs relatifs au conflit d'intérêt ainsi que le montant du préjudice subi dans cette affaire.

Convoquant ainsi l'article 243 du Code des collectivités territoriales, il a indiqué que la délibération ne peut être exécutoire dans la mesure où il y a un caractère suspensif, à cause de la demande de relecture formulée par le préfet.

Qui plus est, selon lui, la délibération ne peut être exécutoire que dans un délai de 15 jours après accusé de réception de la part du préfet.

Il a ainsi fait constater que la délibération dudit conseil a été faite le 15 janvier et qu'au 22, le préfet a demandé une relecture. Ce qui ne permet pas, à son avis, au Conseil municipal de se constituer partie civile car ne respectant pas les délais.

L'agent judiciaire de l'État a été formel qu'il n'y a pas de place pour une interprétation et tant que la délibération n'est pas exécutoire, il est impossible d'accepter la présence d'un représentant du Conseil municipal.

Et sur la constitution de Me El Hadj Diouf comme avocat de la ville de Dakar, Antoine Diome précise qu'il ne peut pas être récusé comme avocat de la défense en premier lieu, pour avoir été avocat de l'État en moins de 3 ans et vouloir après se constituer pour la ville de Dakar. Pour cela, il trouve qu'à l'État actuel, le conseil ne peut pas se constituer

Abondant dans le même sens, le procureur général de la République, Serigne Bassirou Guèye a évoqué l'article 2 du Code des procédures pénales qui dit que ne peut se constituer partie civile que les personnes qui estiment avoir subi un préjudice.

Donc, pour lui, la volonté du conseil municipal de Dakar de se constituer partie civile prouverait qu'il admettrait qu'il y a une infraction. Autre argument développé par le procureur, il estime que c'est le maire qui représente la collectivité locale et non les conseillers.

Pour lui, seul le maire peut représenter la ville en justice. Ou à défaut, il faut un décret du maire pour déléguer ce pouvoir à une tierce personne. Et dans ce cas d'espèce, il soutient qu'il n'y a pas une délégation du maire.

LA DEFENSE DE KHALIFA SALL PLAIDE POUR LA VILLE DE DAKAR

Ces arguments ont été battus en brèche par la défense qui plaide pour la constitution de partie civile de la ville de Dakar dans cette affaire. En effet, Me Khassimou Touré a soutenu que la ville de Dakar a une personnalité morale et juridique qui lui est propre et différente de celle du maire.

Réfutant l'argument selon lequel le Conseil municipal ne peut représenter la ville en justice, il a indiqué que l'article 229 du Code des collectivités locales permet aux conseillers de discuter des actions à intenter pour le compte de la collectivité.

Donc, il estime que dans un débat qui concerne la ville de Dakar, on essaie d'écarter la ville elle-même. Pour ceux qui soutiennent que la ville de Dakar n'a subi aucun préjudice, l'avocat rétorquera que la ville de Dakar peut prétendre avoir subi un préjudice moral, ce qui est plus important à ses yeux que celui matériel.

Dans la même dynamique, les avocats de la défense ont estimé que l'article 243 du code des collectivités locales a explicitement énuméré les délibérations qui ont un caractère suspensif si toutefois le préfet demande une relecture.

Sur ce point, ils trouvent que la constitution de partie civile de la ville n'en fait pas partie. Donc, pour eux, en demandant une relecture de la délibération du conseil, c'est une manière déguisée de refuser d'aller sur le fond car cela voudrait dire que le juge doit attendre que le Conseil municipal procède à une relecture de la délibération avant d'accepter sa constitution de partie civile.

Encore que, selon eux, il n'est pas question que des dispositions administratives fassent injonction à la Cour. Ils estiment même que c'est à la Cour suprême de statuer sur la légalité de l'acte du conseil, si le préfet pense que la procédure n'est pas respectée.

C'est pour cela d'ailleurs qu'ils soutiennent que le juge détient l'entier pouvoir de constater la légalité de la délibération, même s'ils pensent par ailleurs que le Conseil de la ville n'avait pas besoin d'une délibération pour se faire représenter par quelqu'un qui peut recruter des avocats pour le défendre.

Pour ce qui est de la constitution de Me El Hadj Diouf, Me Ciré Clédor Ly a laissé entendre qu'aucune loi n'interdit à ce dernier de se constituer pour le compte de la ville de Dakar.

ME EL HADJ DIOUF SE FAIT SON PROPRE AVOCAT

Parlant au nom de la ville de Dakar, Me El Hadji Diouf a soutenu que la constitution de partie civile est recevable pour tout chef de dommage, aussi bien matériel que moral.

Déplorant ainsi que l'Agent judiciaire de l'État et le procureur de la République débattent du fond du dossier alors qu'on en est qu'aux exceptions, il a indiqué que l'État est obstiné à obtenir des têtes au point de perdre la tête.

Accusant le préfet de connivence avec l'État, il a dit que l'État a instruit au préfet de demander une relecture de la délibération pour faire trainer le dossier.

Concernant ladite requête du préfet, il a informé d'ailleurs que la première adjointe au maire, Mme Wardini, a notifié au préfet qu'une relecture ne se fera pas et que ce n'est pas aux Conseillers de déterminer le préjudice subi, mais à la Cour.

Pour lui, l'argent judiciaire de l'État s'est limité à lire l'article 171 du code des collectivités locales au moment où l'article 175 du même code permet à Mme Wardini de représenter le maire.

Revenant sur le caractère suspensif de la demande de relecture du préfet, Me Diouf a fait appel aux articles 244 et 245 du Code des collectivités locales pour réfuter les arguments de l'Etat et du procureur.

Pour lui, le premier article cité dit simplement que les actes sont exécutoires après notification du préfet et le second permet aux conseillers de la ville de ne pas soumettre leur délibération de représentation en partie civile, car l'article 245 ne fait pas état de ce cas de figure.

Pour autant de faits, il a dit avoir compris que l'agent judiciaire de l'Etat qui respecte selon lui les consignes de l'Etat, veuille défendre coûte que coûte le diable.

Pour conclure, la robe noire de la collectivité de Dakar a rappelé que Me Baboucar Cissé était avocat de Bibo Bourgi, dans l'affaire Karim Wade contre l'Etat et qu'il a été recruté par l'Etat sur ce dossier de la mairie de Dakar. Donc, il trouve normal que lui qui a été avocat de l'Etat dans le même procès puisse se faire recruter par la ville de Dakar.

LES AVOCATS DE L'ETAT REVIENNENT A LA CHARGE

La réplique des avocats de l'État ne s'est pas fait attendre. Pour Me Baboucar Cissé, c'est la première fois qu'un prévenu défend la constitution de partie civile d'un tiers contre sa personne.

Cela, d'autant plus que, selon lui, 9 avocats de la défense ont défendu la constitution de partie civile de la ville au moment où seul Me El Hadj Diouf, qui n'est pas le seul conseil de la ville de Dakar, a plaidé seul pour sa constitution.

Ce qui montre, à son avis, qu'il y a connivence entre les deux parties. Poursuivant, il a indiqué que ce n'est pas à Mme Wardini de répondre au préfet, mais c'est au Conseil de procéder à la relecture de la délibération.

Qui plus est, pour lui, si la ville de Dakar avait subi un préjudice, elle se serait constituée partie civile depuis mars dernier.

Dans la même mouvance, Me Bitèye a tenu à rappeler lui que devant la chambre d'accusation, la défense de Khalifa Sall avait indiqué que le Conseil dit ne pas constater de manquants dans ses comptes. Donc, pour eux, personne ne peut se constituer partie civile s'il estime n'avoir pas subi de préjudice.

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