Margrethe Vestager a encore frappé. Et fort : mercredi 24 janvier, la commissaire à la concurrence a annoncé une amende de près d’un milliard d’euros (997 millions d’euros) à l’encontre du géant américain de composants électroniques Qualcomm, accusé d’avoir versé d’énormes sommes à son client Apple pour qu’il ne s’approvisionne pas auprès de ses rivaux. Des pratiques considérées comme une violation de position dominante, en contradiction avec les règles de l’Union européenne (UE) sur les pratiques anticoncurrentielles.
« Qualcomm a illégalement évincé ses concurrents », a déclaré la Danoise. Selon la commissaire, Qualcomm « a versé des milliards de dollars » à Apple pour s’assurer sa fidélité, le contrat entre les deux géants du numérique courant sur 2011-2016.
« Ces paiements n’étaient pas de simples réductions de prix, mais étaient effectués à la condition qu’Apple utilise exclusivement les puces de Qualcomm dans tous ses iPhone et ses iPad. Cela signifie qu’aucun rival ne pouvait lutter contre Qualcomm sur ce marché, peu importe la qualité de leurs produits », a expliqué Mme Vestager, mercredi.
L’amende représente plus de 4 % du chiffre d’affaires 2017 du groupe américain. « J’espère qu’elle sera dissuasive », a précisé la commissaire. Elle sera directement versée au budget de l’UE, comme c’est le cas dans les affaires d’abus de position dominante en Europe.
Le fabricant a annoncé sa volonté de faire appel. « Nous sommes certains que cet accord [avec Apple] n’enfreint pas les règles de la concurrence de l’Union européenne », a déclaré Donald Rosenberg, vice-président de Qualcomm.
Enquête ouverte en 2015
Le 12 octobre, les autorités taïwanaises avaient déjà imposé une amende record de plus de 770 millions de dollars au constructeur, pour atteinte à la concurrence et manipulation de prix dans une autre enquête, lancée en 2015.
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A Bruxelles, une enquête avait également été ouverte en 2015 par la Commission. Qualcomm est de loin le premier fournisseur de circuits intégrés pour les smartphones. La Commission s’est intéressée tout particulièrement à une gamme de produits : des systèmes de processeurs LTE, du nom de la norme de téléphonie de troisième et quatrième générations, pour réseaux 3G et 4G. Sur ce créneau particulièrement porteur, la multinationale détenait une part de marché écrasante, de l’ordre de 90 %, entre 2011 et 2016. selon Bruxelles.
Intel est également présent sur ce marché, mais comme d’autres concurrents de Qualcomm, il s’est vu barrer l’accès à Apple, un client pourtant majeur, qui représentait environ un tiers de la demande mondiale pour ces composants sur la période du contrat avec Qualcomm, selon la Commission. Le fabricant des iPhone et des iPad n’a commencé à se fournir auprès d’Intel qu’à partir du moment où le contrat avec Qualcomm est arrivé à expiration, courant 2016.
« Se faire concurrence sur la base du mérite »
« Les multinationales en position dominante doivent se faire concurrence sur la base du mérite. C’est aussi simple que cela », a asséné Mme Vestager, se réjouissant néanmoins que ce marché ultraconcentré des composants pour smartphones soit « davantage concurrentiel aujourd’hui ».
Avec cette nouvelle condamnation, Mme Vestager prouve à nouveau qu’elle n’a pas froid aux yeux. Depuis qu’elle est en poste (fin 2014) à Bruxelles, elle a redonné à la politique concurrentielle de l’Union tout son lustre. A son actif, notamment, trois enquêtes pour abus de position dominante, et une amende contre le géant Google pour violation des règles de la concurrence contre Google. Ou encore l’obligation faite à Apple de rembourser pour 13 milliards d’euros d’aides d’Etat à l’Irlande, et les condamnations d’Amazon et de Starbucks, également pour aides d’Etat, respectivement du Luxembourg et des Pays-Bas.
Son aura est telle que son nom revient avec insistance, aujourd’hui, pour prendre la tête de la présidence de la Commission fin 2019, à la fin du mandat de Jean-Claude Juncker. La Danoise, issue de la famille libérale européenne, refuse de confirmer si elle sera candidate à ce poste. Elle s’est contentée de souhaiter un deuxième mandat à la concurrence, dans le quotidien économique belge L’Echo du 16 janvier : « Avec un deuxième mandat, je sens qu’on peut faire des choses fantastiques. » « C’est un superbe poste », a-t-elle insisté, mercredi.