A la fin des années 1990, Serge, haut-savoyard, la quarantaine, employé dans une société de transports suisse, fait plusieurs voyages au Vietnam, et tombe amoureux de Hoang Thi, 20 ans. En 2000, il l’épouse au consulat de Hô-Chi-Minh-Ville. Ils reviennent en France, ont un fils, et vivent heureux pendant sept années.
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Hoang Thi travaille de temps en temps, comme serveuse dans des restaurants asiatiques. C’est dans ces circonstances qu’elle rencontre Patrick O., ancien chef d’entreprise ayant fait faillite, et professeur de karaté, de trente ans son aîné, qui deviendra son associé et amant.
En avril 2009, Hoang Thi crée avec lui une société qui vend des systèmes d’alarme contre les incendies. Ils apportent à deux un capital de 8000 euros.
Le 20 juin 2010, alors qu’elle se trouve chez Patrick O., elle tombe du balcon, et se blesse gravement. Pendant qu’elle est à l’hôpital, Serge reçoit une avalanche de lettres provenant de banques et de sociétés de recouvrement, qui le pressent de payer ses dettes.
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350 000 euros d’emprunts
Il est censé avoir contracté d’innombrables emprunts, auprès d’une dizaine de banques. Il comprend alors que, pendant qu’il était au travail, son épouse a imité sa signature et, grâce à ses fiches de paie, contracté des crédits – à hauteur de 350 000 euros. Cet argent lui a permis de financer des dépenses personnelles – comme l’achat d’une voiture – ou professionnelles, pour sa société.
Serge n’était au courant de rien car Hoang Thi détournait le courrier qui arrivait à leur domicile. Elle payait les traites d’un emprunt en en souscrivant un autre. L’époux en apprend plus aussi sur la nature des relations de sa femme et de l’associé.
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Maison hypothéquée
Serge porte plainte le 31 août 2010, alors qu’il doit faire face aux créanciers, qui lui demandent de rembourser, et qui ont obtenu que sa maison soit hypothéquée. Lorsque son épouse sort de l’hôpital, il refuse de l’accueillir son épouse, pour ne pas être considéré comme complice de ses actes. Elle part vivre chez son amant, et Serge présente une requête en divorce au juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains. Il obtient une ordonnance de non conciliation en novembre 2010.
Il assigne Hoang Thi, et demande que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de celle-ci. Hoang Thi le réclame aussi : elle assure qu’il a souscrit lui-même les emprunts, ou bien qu’il en connaissait l’existence, du fait que les fonds obtenus transitaient sur leur compte joint, avant d’être transférés sur des comptes qu’elle ouvrait. Elle lui reproche aussi de l’avoir chassée du domicile conjugal après son accident. Elle l’accuse – sans preuve – d’avoir entretenu une relation adultère pendant le mariage.
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Condamnation pour faux
Le tribunal de Thonon-les-Bains prononce le divorce aux torts exclusifs de l’épouse, en 2015. Comme Serge dispose, grâce à son emploi en Suisse, de quelque 5 000 euros de revenus, il est condamné à lui verser une pension de 1750 euros par mois. Plus une prestation compensatoire de 30 000 euros. La prestation compensatoire est censée compenser, autant que possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Trouvant ce jugement trop clément pour son épouse, Serge fait appel.
Peu après, Hoang Thi comparaît devant le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, pour faux. L’enquête policière ayant permis de prouver qu’elle a imité la signature de Serge, et qu’elle a souscrit les crédits pendant que son époux se trouvait sur son lieu de travail, elle est condamnée à un an de prison avec sursis, et mise à l’épreuve pendant trois ans, ainsi qu’au paiement de 4 000 euros de dommages et intérêts, le 1er octobre 2015. L’associé est condamné à trois mois de prison avec sursis.
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Prestation compensatoire
Lors de l’audience d’appel du jugement de divorce, Serge produit cette condamnation, et demande la suppression de la prestation compensatoire. Il fait valoir que, par application de l’article 270-3 du code civil, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande,« lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ».
En l’occurrence, constate la cour d’appel de Chambéry, le 13 juin 2016, « la souscription de crédits en nombre très important à l’insu du mari pour les seuls besoins de l’épouse, la mise en danger financière du ménage et les poursuites judiciaires des créanciers à l’encontre du mari, les inconvénients pour ce dernier liés aux nombreux incidents de paiement et qui se poursuivent encore aujourd’hui, le comportement délictueux de l’épouse envers son mari et la condamnation pénale qui s’en est suivie et enfin le comportement adultérin de Mme Thi X…, constituent un ensemble de fautes graves qui ont nécessairement eu pour conséquence de conduire le couple au divorce et justifient qu’en équité Mme Thi X… soit déboutée de sa demande de prestation compensatoire et que le jugement soit réformé sur ce point ».
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Nouvelle indemnisation
En outre, la cour d’appel de Chambéry condamne Hoang Thi à payer 1 000 euros de dommages et intérêts à Serge, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, selon lequel « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »; cet article répare les préjudices distincts de celui né de la dissolution du mariage.
Hoang Thi protestant qu’elle a déjà été condamnée à payer 4 000 euros de dommages et intérêts au pénal pour l’infraction de faux, la cour répond que « cette condamnation civile est différente » et qu’« il ne peut donc s’agir d’une double et même indemnisation, l’indemnisation sollicitée dans la présente procédure étant la conséquence des fautes graves ayant occasionné la rupture du lien marital et donc causé un préjudice spécifique à M. Y… du fait de cette rupture et des conséquences qui aujourd’hui encore perdurent ».
Hoang Thi se pourvoit en cassation, mais elle essuie un rejet, le 13 décembre 2017.
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