
Tribune. On lie souvent la question des prisons à celle des chiffres de l’emprisonnement. Mais il y en a d’autres. D’abord la population française a augmenté de plus de 10 % entre 2000 et 2016 : il serait surprenant que les chiffres de la délinquance ne s’en soient pas ressentis. Il y a aussi ceux qui concernent l’activité judiciaire : dans la même période, le nombre d’« affaires poursuivables » (faits caractérisés, auteurs identifiés), a augmenté de 17,5 % et celui des condamnations prononcées pour crimes et délits (auxquelles on ajoute les compositions pénales, sortes de semi-condamnations imaginées pour aller plus vite) de plus de 50 %. Ce pourcentage, à lui seul, intrigue : il signifie que les juridictions sont soumises à un train d’enfer. Mais pourquoi et par qui ?
la justice est un récipient comme un autre, qui déborde au-delà de certaines limitesCe sont les parquets qui fournissent aux juridictions pénales le gros des troupes à juger et la politique pénale est du ressort du garde des sceaux : tous les gouvernements de la Ve République ont toujours revendiqué cette prérogative et M. Macron vient de rappeler qu’il l’assumait pleinement et n’entendait rien y changer. Dont acte. L’orientation pénale qui s’est dessinée à partir des années 2000 repose ainsi sur une doctrine qui est aujourd’hui scrupuleusement observée par les parquets : celle du « traitement en temps réel des procédures » (TTR) et de la « réponse pénale systématique ».
On a voulu des poursuites rapides, c’est-à-dire des enquêtes abrégées (pour ne pas dire plus), et des poursuites exhaustives pour ne pas laisser les délinquants dans l’idée d’impunité. Sauf que la justice est un récipient comme un autre, qui déborde au-delà de certaines limites. Il en va de même des prisons. Les places de prison ont augmenté de 19,5 % depuis 2000, mais c’était insuffisant pour absorber le flux des entrées en détention, qui s’est accru de plus de 30 %. Haro donc sur les juges,...