
C’était à l’été 2017. A Milwaukee, sur les bords du lac Michigan, était inaugurée une superbe tour de 167 mètres, premier pas vers la réhabilitation du centre-ville. Avec cet investissement de 450 millions de dollars, son propriétaire, Northwestern Mutual Life Insurance, aurait même pu bâtir le gratte-ciel le plus élevé de l’Etat de Wisconsin. Mais il n’a voulu faire la course au m’as-tu-vu. « Je pense que la culture de Northwestern Mutual est et a toujours été : “Nous ne voulons pas être les plus gros ou les plus hauts. Nous voulons être les meilleurs” », commenta alors l’architecte Jon Pickard.
Ainsi est l’image que veulent se donner les assureurs mutualistes aux Etats-Unis. Au pays du capitalisme, le mutualisme est plus ancien que l’installation d’une Bourse à Wall Street. La première compagnie fut fondée en 1736, en Caroline du Sud, pour couvrir contre le risque d’incendie. Elle fit faillite quatre ans plus tard… lorsqu’un incendie détruisit trois cents maisons à Charles Town. En revanche, la mutuelle anti-incendie fondée par Benjamin Franklin, à Philadelphie, en 1752, existe toujours.
Mais le grand élan du mutualisme date de l’Homestead Act de 1860, qui accorde soixante-cinq hectares aux migrants qui se lancent à la conquête de l’Ouest. A l’époque, ces fermiers, qui subissent le monopole des chemins de fer, des banques, des machines des grands trusts de la Nouvelle-Angleterre et de New York, ne veulent pas dépendre des capitalistes de la Côte est et choisissent de s’assurer eux-mêmes. Au début des années 1920, on comptait plus de deux mille mutuelles agricoles.
Une emprise considérableDepuis, la part de l’agriculture a reflué, mais l’emprise du mutualisme reste considérable : selon l’association nationale des compagnies d’assurances mutuelle, en 2015, huit cent soixante-huit mutuelles avaient collecté 256 milliards de dollars en prime d’assurance dommage, soit 44 % des primes versées aux Etats-Unis. Le mutualisme occupe 79 % du...