
Chronique. Le superjumbo A380 d’Airbus vient d’éviter le décrochage et l’avenir du réacteur EPR d’EDF-Framatome s’écrit toujours en pointillé. Le TGV d’Alstom ne se vend plus et le Rafale de Dassault Aviation a longtemps traversé de fortes turbulences avant de voir le ciel se dégager en 2015… Mais quelle malédiction frappe donc ces chefs-d’œuvre technologiques qui ont fait de la France, disons-le sans chauvinisme, une championne de l’innovation dans l’énergie, le ferroviaire, l’aéronautique et la défense ?
Le dernier signal d’alarme a retenti dans la cabine de l’A380. L’avionneur européen avait prévenu mi-janvier que, sans nouvelle commande d’Emirates, il n’aurait « pas d’autre choix que d’arrêter » sa fabrication. Une menace cachant un chantage ? C’est la compagnie de Dubaï qui avait assuré son décollage, il y a dix ans, en achetant une centaine d’appareils plébiscités depuis par les passagers ; c’est elle qui l’a sauvé sur le fil en annonçant peu après l’achat providentiel de trente-six très gros porteurs, sauvant le programme dans l’attente d’éventuelles commandes chinoises.
Le revers commercial est plus patent pour l’EPR, le réacteur nucléaire de troisième génération lui aussi classé dans la catégorie des « poids super-lourds » pour sa puissance sans équivalent (1 650 MW) et son prix (10 milliards d’euros). Emmanuel Macron en fait toujours la promotion à l’étranger, même si la France n’en a écoulé que six en quinze ans (France, Chine, Finlande, Royaume-Uni). Paris se bat pour en confirmer deux autres outre-Manche, et surtout vendre une flotte à l’Inde et à l’Arabie saoudite, alors que les « têtes de série » construites à Flamanville (Manche) et Olkiluoto (Finlande) ne sont pas compétitives.
Explosion des coûtsSortis du cerveau fécond d’ingénieurs français (et allemands), ces bijoux technologiques ont mobilisé des milliards, en partie déboursés par Paris et Berlin. Les exigences de sûreté, les tâtonnements...