
Les Etats-Unis font face à une épidémie de décès par overdose aux opiacés d’une ampleur inégalée. La grande majorité est liée aux médicaments contre la douleur (opiacés, morphiniques naturels ou synthétiques…). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation dramatique.
Il y a d’abord le marketing agressif des laboratoires pharmaceutiques qui en ont banalisé, minoré, caché les effets indésirables ; et leur lobbying massif vis-à-vis des professionnels de santé. Les politiques de lutte contre la douleur – « le droit de ne plus souffrir » – ont également favorisé l’escalade médicamenteuse vers les produits les plus puissants. La politique du « tout-médicament », particulièrement développée aux Etats-Unis, médicalise et privilégie les réponses médicamenteuses à des problématiques complexes : prescription d’antidépresseurs pour la tristesse ou la dépression, usage massif des amphétamines pour les enfants agités ou hyperactifs, large utilisation des produits antalgiques pour toute plainte douloureuse… La nature des produits, leur profil pharmacologique, leur rapidité d’action vont également faciliter les risques d’appétence et d’addiction.
La consommation des antalgiques puissants a augmenté de 74 % entre 2004 et 2015Un facteur important qui permet de comprendre cette spirale infernale nous paraît avoir été jusqu’à présent négligé : la prescription d’opiacés pour la douleur chronique non cancéreuse. Dans les années 1950, les anesthésistes américains vont être les premiers à faire du soulagement de la douleur l’objectif principal de leur démarche. Grâce à leurs succès, en raison de l’utilisation décomplexée de la morphine pour des douleurs sévères, jusque-là très mal soulagées (cancer, fin de vie, traumatologie, chirurgie), des structures spécialisées dans la douleur vont apparaître. Mais cette efficacité sur la douleur aiguë va vite se heurter à d’autres douleurs particulièrement invalidantes et pour lesquelles tous les bilans s’avèrent négatifs :...