
Le Livre. Jérôme Carrein, ce nom ne vous dit rien ? Il vous hantera longtemps après avoir refermé les pages de La Revanche de la guillotine. On ne lâche pas un instant l’histoire de ce semi-vagabond du Nord, meurtrier d’une gamine de huit ans, qui a été condamné à mort le 1er février 1977, douze jours tout juste après le procès de Troyes, où Robert Badinter et Robert Bocquillon avaient sauvé la tête d’un autre meurtrier d’enfant, Patrick Henry. Car il y a bien plus que l’histoire d’un homme dans ce récit, il y a celle du pays, de ses peurs et de ses contradictions en ces années 1970 où la France se déchire entre partisans de la peine de mort et abolitionnistes. D’un dossier criminel « d’une quinzaine de centimètres d’épaisseur » fermé par « une mince ficelle de corde », l’auteur, Luc Briand, qui est aussi juge, a fait un grand livre.
Le 27 octobre 1975, à Arleux près de Douai, Jérôme Carrein, 34 ans, a pris la main de Cathy, à la sortie de l’école. « Dis à ta mère qu’on va chercher des vifs au fossé d’Aubigny », a-t-il dit au frère de la petite. Cathy a suivi sans crainte, elle connaissait bien Carrein, père divorcé de cinq enfants qui venait chaque jour manger et boire, surtout boire, au bistrot que tenait sa mère. Ils ont cheminé ensemble jusqu’aux marais, la petite avait l’air tranquille diront plus tard les témoins. Jérôme Carrein est rentré seul au bistrot un peu plus tard, il a commandé une bière au comptoir. La mère de Cathy lui a demandé : « Ben la ch’tiote ? Elle est où ? – La ch’tiote ? Elle est pas revenue ? – Non ! – Moi, je l’ai laissée au petit pont. »
Le corps de l’enfant a été retrouvé le lendemain matin, dans un étang. Carrein a tout avoué. Il avait tenté de la violer, Cathy s’était débattue, il avait eu peur qu’elle le dénonce, il l’avait tuée en maintenant sa tête dans la boue. L’enquête est vite bouclée et le premier procès de Carrein s’ouvre le 12 juillet...