
C’est l’une de ces images qui semblent condenser une évidence flottant dans l’air du temps. Le président des Etats-Unis, convié à participer à une chaîne symbolique avec d’autres dirigeants et chefs d’Etat, semble empêtré dans son corps et mettre quelques instants avant de parvenir à croiser les bras correctement. Dans cette difficulté à reproduire une consigne gestuelle simplisme, certains ont vu une nouvelle preuve de sa déficience.
Cette photographie d’Andrew Harnik pour Associated Press a d’abord été relayée par des internautes, puis par divers journaux et sites Internet américains le jour même de l’incident, le 13 novembre 2017. Prise lors du 31e sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), à Manille (Philippines), elle a resurgi à la faveur d’un contexte chargé pour la présidence Trump. Les doutes concernant la capacité à gouverner de Donald Trump ont été alimentés ces derniers jours par la sortie du livre à charge Fire and Fury, du journaliste Michael Wolff, ainsi que par les saillies sur Twitter du président lui-même assurant de sa « stabilité » et se qualifiant de « génie ».
Lapsus corporelLe comique de la situation n’échappe à personne, mais quels en sont les ressorts ? Christian Godin, philosophe et auteur de l’ouvrage Chaplin et ses doubles. Essai sur l’identité burlesque (Champ Vallon, 2016), nous rappelle que Hegel définissait le comique comme l’expression d’une contradiction non résolue : « Cette photographie condense un ensemble particulièrement riche de contradictions. Entre la solennité de l’instant [qui regroupe des chefs d’Etat clôturant un sommet international] et la pitrerie involontaire du président incapable d’y répondre ; entre la puissance et l’autorité qu’il doit incarner en tant que chef de la première puissance mondiale et son incompréhension de la situation ; entre le talent supposé, voire reconnu...