Davantage de transparence pour les clients des banques privées
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Davantage de transparence pour les clients des banques privées

Une directive européenne durcit les règles en matière de distribution de produits financiers. Elle doit contribuer à mieux protéger les investisseurs et à mieux les informer.

Le Monde | | Par

Grâce à une transparence accrue, les clients vont se rendre compte du niveau de frais qu’ils paient

Votre banquier privé vous rend-il visite ces jours-ci pour vous présenter ses vœux et discuter de la gestion de votre capital ? Ne soyez pas surpris s’il est un peu grognon… Ce ne sont pas les excès des fêtes qui lui pèsent sur l’estomac, mais « MIF II », une législation européenne sur les marchés d’instruments financiers appliquée depuis le 3 janvier.

En encadrant davantage la distribution de certains produits financiers, cette nouvelle réglementation alourdit sans conteste son travail et bouleverse ses pratiques commerciales. Cette nouvelle mouture de la directive sur les marchés d’instruments financiers (MIF) doit contribuer à mieux protéger les investisseurs et à améliorer la transparence sur ces marchés. Plusieurs nouveautés sont particulièrement visibles pour les clients des banques privées.

  • Une évaluation précise de l’investisseur

Lors de vos premières rencontres, votre banquier privé vous a probablement posé moult questions pour cerner votre situation financière et vos objectifs patrimoniaux. Désormais, le client doit être soumis à un questionnaire plus copieux visant à évaluer précisément ses connaissances financières, sa tolérance au risque, son expérience.

« Ne soyez pas surpris, donc, si votre conseiller vous demande si vous savez ce qu’est un ETF », illustre Sofia Merlo, codirectrice de BNP Paribas Wealth Management. Certains établissements ont déjà accompli ces démarches, d’autres sont en train de le faire. Cette exigence de connaissance du client était déjà présente dans « MIF I », la directive appliquée les dix dernières années, mais elle a été approfondie et formalisée.

  • Le bon produit au bon client

Les clients de longue date pourront s’étonner de ce nouveau formalisme. Il n’est toutefois pas à prendre à la légère. Ces questionnaires servent à les classer selon des profils de risque, régulièrement actualisés. De cette classification dépendront les conseils prodigués. Car la banque ne peut vous proposer que des produits en adéquation avec votre profil, en tenant compte du marché cible défini pour le produit par son concepteur, et ce afin de respecter l’esprit de la directive : s’assurer que le bon produit est adressé au bon investisseur. Tous les conseils doivent par ailleurs être tracés.

« Cela ne veut pas dire qu’un client avec un profil de risque faible ne pourra pas se voir proposer un produit comprenant un certain niveau de risque », précise Olivier Paccalin, directeur des solutions de gestion de fortune de Société générale Private Banking. « Mais nous avons l’interdiction de lui conseiller un produit qui l’amènerait à dépasser au niveau global de son portefeuille le risque défini pour lui en fonction de ses réponses. »

  • La fin de certaines rétrocessions

Pour les investisseurs en gestion sous mandat, c’est-à-dire qui délèguent la gestion de leur portefeuille, une modification majeure est en outre entrée en scène : l’impossibilité pour la banque privée de toucher des rétrocessions.

Un exemple. Si une société de gestion chargeait un fonds commun de placement ou une Sicav de 1,50 % de frais de gestion, et que ce produit avait une performance de 4,5 %, cela signifiait que vous ne touchiez un rendement net que de 3 %. La société de gestion pouvait par exemple ne conserver que la moitié des frais prélevés et reverser les 0,75 % restants au distributeur du fonds c’est-à-dire votre banque privée. Ce que les spécialistes appellent la rétrocession, une pratique qui est peu transparente pour le client.

Avec l’interdiction, on évitera les conflits d’intérêts. Il s’agit de faire en sorte qu’un banquier ne soit pas tenté de conseiller pour votre portefeuille un fonds qui lui rapporte plus qu’un autre. « Et les clients pourront comparer plus facilement le coût de la gestion sous mandat d’un établissement à l’autre », souligne Xavier Parain, secrétaire général adjoint, chargé de la direction de la gestion d’actifs à l’Autorité des marchés financiers (AMF). « Ils pourront être nettement plus confiants dans le choix des produits réalisé par l’intermédiaire », renchérit Sébastien Lacroix, directeur associé senior, chargé du secteur financier de McKinsey.

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Avec la suppression de la rétrocession, les frais prélevés sur la performance nette vont diminuer : une bonne nouvelle pour le client. Par contre, il faut s’attendre à ce que les banques privées, qui perdent une source de rémunération, valorisent davantage le service en augmentant quelque peu les frais de gestion, ceux auxquels les clients sont soumis pour leur gestion sous mandat.

Rien de systématique, toutefois. « Cette évolution se traduit chez nous par une hausse des frais liés à la prestation de gestion sous mandat, mais pas à due concurrence, la facturation globale sera au final moins importante pour le client », promet Didier Simondet, directeur de CIC Banque privée. « A ce stade, nous avons décidé de ne pas augmenter les frais de nos clients actuels mais nous réfléchissons pour les nouveaux clients », dit de son côté Olivier Paccalin.

  • Des frais détaillés

Dans le cas général, les rétrocessions demeurent autorisées dans les banques privées en dehors des gestions sous mandat. Elles sont toutefois davantage encadrées. L’établissement devra prouver qu’il les utilise pour améliorer la qualité du service rendu au client et les lui signaler noir sur blanc.

La communication sur la totalité des frais supportés par le client sera d’ailleurs améliorée. Désormais, celui-ci doit en être informé avant et après chaque opération, et recevoir un récapitulatif annuel.

  • Des cartes rebattues ?

« Grâce à cette transparence accrue, les clients vont se rendre compte du niveau de frais qu’ils paient, note Sébastien Lacroix. Ce qui poussera certains à se montrer plus exigeants, en termes de qualité de service, performance, réactivité. D’autres vont tenter de négocier ces frais à la baisse, voire se tourner vers d’autres réseaux. » En ce qui concerne les établissements, « certains pourront être amenés à proposer des offres moins chères avec moins de services et une gamme de produits simplifiée, d’autres travailleront davantage sur la valeur ajoutée perçue par le client avec des efforts accrus pour expliquer au client les expertises qu’elle lui apporte ».

« Une numérisation du conseil est également rendue nécessaire par l’exigence de traçabilité, ajoute Olivier Paccalin. Seul le numérique permet de fournir des conseils homogènes et rapides à tous nos clients quand un événement survient, par exemple un mouvement sur les taux. Nous travaillons pour mettre en place des solutions permettant de recevoir sur les applications, par mail ou par SMS les informations correspondant à chaque profil de risque. » 

Vous entendrez donc à l’avenir plus souvent parler de votre banque privée, mais probablement par écran interposé.