
Des cris de joie comme un souffle d’air chaud. Une flambée d’émotions comme un feu qui file. A Love Supreme, chorégraphié par Anne Teresa de Keersmaeker et Salva Sanchis, sur la musique de John Coltrane, a soulevé le public, mardi 9 janvier, à l’Espace Cardin à Paris. La nouvelle année s’est élancée sous des auspices vibrants qui raccordent la danse à un art de vivre à fond avant d’être une technique.
Prendre d’assaut un monstre comme Coltrane est pire qu’un challenge. Passe ou casse ? Jeu d’égal à égal entre la danse et la musique ou évacuation de la première d’un coup de saxo ? Passe donc. La Belge Anne Teresa de Keersmaeker, dont on connaît l’expertise musicale, et l’Espagnol Salva Sanchis ont foncé sur le chef-d’œuvre qu’est l’album A Love Supreme. Ils se sont jetés au cœur des sons, ont escaladé les pics du saxo, glissé dans ses toboggans. Pied à pied, note à note, humeur contre humeur, ils ont parié sur le pur jet physique et sensuel. Revoir A Love Supreme, créé en 2005 d’après le titre de l’album enregistré en 1964 par Coltrane, se révèle passionnant.
Beaucoup de changements ont été apportés. Monochrome blanc à l’origine, des décors aux costumes, la pièce a glissé vers le noir. Le casting était d’abord mixte avec deux femmes et deux hommes : la reprise est uniquement masculine. Une vision plus écharpée s’affirme qui émulsionne le côté excessif de la gestuelle tripant sur les envolées déchirées de Coltrane et de ses complices.
Sensation de fièvreEn 2005, la pièce était aussi précédée de Raga for the Rainy Season, sur des mélodies traditionnelles indiennes. Pour dégager l’espace aujourd’hui, un tapis de silence a été déroulé qui permet à chacun, danseurs et spectateurs, de prendre la mesure du moment. Pendant quelques minutes, les interprètes s’appuient les uns sur les autres, tissent une chaîne humaine qui teste sa force avant que chacun ne se dissémine dans l’espace. Une façon d’éprouver le corps...