La furie meurtrière au Kasaï, symptôme du délitement de la RDC
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La furie meurtrière au Kasaï, symptôme du délitement de la RDC

L’insurrection déclenchée en 2016 par la mort du chef traditionnel Kamwina Nsapu a été suivie d’une répression implacable. Massacres, exodes, crise alimentaire ont plongé cette région marginalisée de la République démocratique du Congo dans un conflit sans fin

Le Monde | | Par

Le 17 mai 2017, l’ONU fait état fait état d’un mouvement de 23 700 nouveaux déplacés du Kasaï, alors que les violences se poursuivent dans cette province.

Vue du ciel, Kananga ressemble à une grande ville. Plantée au milieu d’immenses plateaux de savane déboisés, cernée de rivières épaisses et boueuses, la capitale de la province du Kasaï-Central, au milieu de la République démocratique du Congo (RDC), possède sa gare et son siège du gouvernorat, sa large avenue Patrice-Lumumba, sa cathédrale Saint-Clément en brique rouge.

En fait, Kananga consiste en un agrégat de vestiges coloniaux et d’habitats de fortune, où près de un million d’habitants vivent difficilement de la débrouille. En 1960, l’ancienne Luluabourg, bâtie par les Belges sur la rivière Lulua, était pressentie pour être la capitale du Congo devenu indépendant. Aujourd’hui, c’est une enclave inactive, où s’arrêtent peu de voyageurs. Ses commerçants s’approvisionnent à Lubumbashi, la riche capitale du Katanga, à une semaine de train – quand les vieux wagons arrivent à destination. La dernière usine de la ville, une brasserie, a fermé en 2014. Pas de voitures, des marchés dégarnis. Peu d’eau et d’électricité. Encore moins de travail. Même le panneau de bienvenue, à l’entrée de la ville, s’est effondré.

« Joseph Kabila nous a trahis »

A un carrefour, un jeune homme en chemisette blanche, le front couvert d’acné, vend des sodas et des allumettes dans une guérite en bois. Le visage de Paul (son nom a été changé), 21 ans, affiche l’air désœuvré de l’innombrable jeunesse issue de la paysannerie kasaïenne. Il a étudié jusqu’à l’école secondaire, il a même enseigné pendant trois ans, mais l’Etat congolais paie rarement ses fonctionnaires. Afin de parler discrètement, le jeune homme s’assied sur la terrasse d’une maison coloniale vermoulue, où vit le notable sans le sou qui l’héberge. « Mes parents cultivent, dit Paul dans un français hésitant. Ils ont une vie mauvaise. Pour gagner 5 000 francs [moins de 2 euros], il faut passer plusieurs jours dans les champs. Joseph Kabila nous a trahis. »

Aux élections de 2006...