
Sa passion pour le métier d’historien a surgi sur le tard, mais tout était en germe dès l’enfance. A 5 ans déjà, Edhem Eldem parlait l’ottoman – turc ancien de l’empire défunt mêlant mots perses et iraniens en caractères arabes –, que Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la République, avait balayé en 1928 en imposant l’alphabet latin et de profondes transformations du vocabulaire.
Avec un père diplomate de bonne famille, né avant la première guerre mondiale, le petit garçon était à bonne école. « Il me faisait même faire des dictées et, à la différence de nombre de mes collègues ou étudiants qui déchiffrent cette langue comme une langue morte, elle est pour moi bien vivante », raconte le nouveau titulaire de la chaire d’histoire turque et ottomane du Collège de France.
Bousculer les idées reçuesAvant de partir d’un grand rire à l’évocation de Recep Tayyip Erdogan, l’actuel président islamo-conservateur de la Turquie, qui avait un moment voulu rendre obligatoire l’étude de l’ottoman dans les lycées religieux afin que « les enfants puissent enfin lire les lettres de leurs aïeux ». « L’illettrisme était tel dans l’empire que de telles missives étaient bien rares ! La connaissance de l’ottoman ne sert finalement qu’aux historiens pour la consultation des archives », précise cet intellectuel qui aime bousculer les idées reçues. Au risque de faire grincer bien des dents dans un pays hanté par son histoire. Celle, au poids écrasant, d’un empire à son apogée aux XVIe et XVIIe siècles. Mais aussi celle, aux cicatrices toujours ouvertes, des tragédies qui ont accompagné son déclin, à commencer par le génocide des Arméniens en 1915-1917.
« La Turquie est “cliomane” et “cliopathe”, à la fois folle et malade d’histoire », lançait avec humour Edhem Eldem lors de sa leçon inaugurale au Collège de France, le 21 décembre 2017« La Turquie est “cliomane” et “cliopathe”, à la fois folle et malade d’histoire »,...