
Durant deux jours, les 29 et 30 décembre 2017, la télévision publique iranienne n’a pas su réagir à la vague de contestation qui se répandait en Iran. Obéissant aux vieux réflexes de la propagande d’Etat, elle s’était refusé à couvrir ces manifestations, laissant les Iraniens s’informer en ligne, notamment sur la messagerie instantanée Telegram, très populaire dans le pays, où des messages de tous ordres, y compris ceux diffusés par des groupes en exil hostiles au gouvernement, ont reçu une large audience.
« C’est toujours pareil : ils réagissent en retard et de façon imparfaite », déplore Ehsan Bagherian, le jeune directeur de la Maison des photographes iraniens, à Téhéran, un organe de propagande affilié à des factions politiques conservatrices. Pourtant, la jeune garde des médias conservateurs a de quoi se réjouir. Dès le 30 décembre, abandonnant la logique de censure pure et simple, ces médias ont démontré une puissance inédite en inondant les réseaux sociaux de leurs propres messages, qui se sont en partie imposés dans l’espace public iranien.
« Depuis des mois, nous avions déjà couvert de petites manifestations organisées contre la vie chère un peu partout en Iran : nous n’avons pas été pris de court », explique Mohammad Reza Bagheri, producteur d’une émission quotidienne sur la chaîne publique Ofogh, née en 2014 et très présente sur Internet. Jeune, efficace, paraissant ouverte à des opinions diverses, Ofogh produit des vidéos à capacité virale – on a vu des réformateurs et des opposants de l’étranger partager en ligne des images d’Ofogh et de certaines de ses consœurs, durant les événements.
Effort de longue haleineCependant, la critique populaire à laquelle Ofogh tend son micro est peu politisée, et lorsqu’elle l’est, vise principalement le gouvernement du modéré Hassan Rohani. La chaîne n’a fait nulle mention, durant les manifestations, des slogans qui rejetaient l’Etat dans sa totalité, ni des critiques...