Léa Clermont-Dion : « La troisième vague du féminisme est tout sauf conservatrice ou puritaine »
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Léa Clermont-Dion : « La troisième vague du féminisme est tout sauf conservatrice ou puritaine »

Dans une tribune au « Monde », Léa Clermont-Dion, auteure et doctorante en sciences politiques à l’université de Laval (Québec), répond au texte, publié le 10 janvier dans nos colonnes, qui défend la « liberté d’importuner ».

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Des badges du mouvement « Moi aussi » (#metoo) lors d’une manifestation pour les survivants d’agressions sexuelles et leurs soutiens à Hollywood, le 12 novembre 2017.

Tribune. Le viol est un crime, certes. Mais la drague insistante peut incarner une forme de harcèlement sexuel, si répétée, ou mener à un éventuel viol. La malencontreuse tribune « Des femmes libèrent une autre parole » (Le Monde du 10 janvier) banalise les violences sexuelles.

Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment. Chaque vague de dénonciation a engendré une réponse systématiquement négative. La féministe américaine Susan Faludi avait appelé ce phénomène backlash (« retour de flamme »). Voilà pourquoi un tel texte est problématique. Il y a plusieurs confusions théoriques et pratiques qui méritent d’être clarifiées.

« Alors qu’ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir touché un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses intimes », disent-elles. Ces exemples anecdotiques sont utilisés pour dénigrer une vague de dénonciations importante. Cette rhétorique incarne une forme de sophisme répandue, la généralisation hâtive. Comment disqualifier un mouvement capital ? Utiliser une ou deux anecdotes, édulcorer une problématique et banaliser. Ces « petites » violences peuvent incarner des formes de harcèlement sexuel ou d’agressions sexuelles.

« Les signataires banalisent les agressions sexuelles »

De plus, faut-il rappeler aux signataires de la lettre quelques notions juridiques ? L’agression sexuelle est un délit puni par les articles 222-27 à 222-30 du code pénal qui se définit comme suit : « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. »

Autrement dit, l’agression sexuelle peut en effet comprendre des attouchements sexuels, des baisers forcés, des caresses non consenties. Les signataires de la lettre banalisent non seulement le harcèlement sexuel, mais les agressions sexuelles autres que le viol. Il semble bien navrant de constater que le viol est encore et toujours considéré comme la seule et unique agression sexuelle légitime...