
Tribune. Si l’on compare la situation de l’humanité avec un passé pas si lointain, nombre d’évolutions profondes portent à une forme d’optimisme en dépit des menaces, notamment pour l’environnement. En trente ans, l’extrême pauvreté a chuté des deux tiers, 2 milliards de personnes ont été sauvées de la sous-alimentation, la mortalité maternelle et infantile a été réduite de moitié et, même si certaines tragédies demeurent épouvantables, les conflits armés sont de moins en moins meurtriers. Après la chute du mur de Berlin, le modèle démocratique s’est largement « démocratisé ». Et pourtant un spectre hante nos sociétés : celui du despotisme moderne, des « hommes forts autoritaires », en d’autres termes, le spectre de la faiblesse démocratique.
Entre les deux guerres mondiales, l’essayiste américain Walter Lippmann écrivait que « la crise de la démocratie occidentale est au sens strict une crise du journalisme ». Cela est vrai près d’un siècle plus tard : crise de la confiance envers les institutions et les médias, crise de la représentation du réel, comme le prouvent les sondages sur les théories du complot, fragilisation économique qui fait peser des risques sur la qualité des contenus journalistiques, décomposition de la sphère publique sous l’effet des « bulles filtrantes », et domination d’acteurs technologiques qui vantent la transparence sans l’appliquer ni pour eux ni pour leurs algorithmes.
Des régimes despotiques mettent en place de vastes appareils de propagande, tentent d’exporter leurs contre-modèles pour créer « un nouvel ordre mondial de l’information ». Dans le même temps, toute une économie de l’information sponsorisée, avec des intérêts souvent non dits mais très structurés, prospère sur les ruines du monde (imparfait) d’hier. Or, sans journalisme de qualité, les démocraties seront de basse intensité et les grands problèmes du monde ne trouveront pas de solution. Pour réduire les asymétries d’information...