Limitation à 80 km/h : dans le Morbihan, un consensus introuvable
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Sécurité routière
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La Matinale du 09/01/2018
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Limitation à 80 km/h : dans le Morbihan, un consensus introuvable

L’initiative du gouvernement est loin de faire l’unanimité dans les communes qui longent l’une des routes secondaires concernées par cet abaissement.

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Après Lorient, dans le Morbihan, la départementale 769 enjambe le Scorff, se déploie en ligne droite jusqu’aux Montagnes Noires, puis rejoint l’orée du Finistère. Longue d’environ 70 kilomètres, cette artère structurante, jalonnée d’une trentaine d’intersections, est empruntée chaque semaine par plusieurs dizaines de milliers de véhicules, dont de nombreux poids lourds.

Neuf automobilistes y ont trouvé la mort depuis 2012, selon la préfecture. Hors agglomérations et voies express, c’est l’un des axes les plus accidentogènes de Bretagne. Majoritairement constituée de tronçons à deux voies, la D769 figure parmi les routes concernées par l’abaissement de 90 km/h à 80 km/h de la limitation de vitesse, annoncé mardi 8 janvier par le premier ministre, et qui doit entrer en vigueur le 1er juillet. Une perspective qui, localement, ne fait pas l’unanimité.

« Cela peut pénaliser mon activité »

David Le Solliec (divers droite) fait partie des maires de communes bordant cet axe. Depuis sa prise de fonctions à Gourin, en 2001, il a dû se rendre à plusieurs reprises sur les lieux d’accidents mortels survenus dans le secteur. En cause : « Alcool, psychotropes, perte de contrôle du véhicule, état de fatigue, survitesse… » Mais il prévient : « Je suis farouchement opposé à la baisse de la limitation de vitesse ! » Car, selon lui, la mesure ne « réglerait pas le problème ».

« Les criminels ne roulent pas à 90 km/h, mais beaucoup plus vite ! (…) Il faudrait mieux placer certains radars, durcir la législation sur le permis, faire passer des visites médicales à partir d’un certain âge, mettre le paquet sur l’alcool et les drogues, réaménager les routes… »

M. Le Solliec affirme par ailleurs, à l’instar d’un certain nombre de ses homologues de l’Hexagone, que la mesure décidée par le gouvernement pourrait fragiliser son territoire : « On est à quarante-cinq minutes de Lorient, la grande ville la plus proche. Beaucoup de gens achètent des maisons à trente minutes maximum de leur lieu de travail. Baisser la vitesse de 10 km/h, c’est rajouter encore cinq minutes à leur trajet. Cela fait trop long pour beaucoup de familles. Pour les entreprises, c’est du monde en moins, des clients en moins… »

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Artisan multiservice à Gourin, Gérard Bourvic partage cet avis. Avec sa camionnette, il parcourt chaque année de 25 000 à 30 000 kilomètres dans les environs. La D769 est, selon lui, « adaptée pour rouler à 90 km/h ». La baisse de la limitation ? « Une catastrophe ! », jure-t-il. « Cela peut pénaliser mon activité. Il faudra partir plus tôt, passer plus de temps sur la route, on sera moins à l’heure, les chantiers n’avanceront pas ! Dix minutes de plus ou de moins, ça fait beaucoup, pour nous. »

« Laisser les territoires gérer au cas par cas »

Ces considérations ne paraissent pas prioritaires aux yeux de Geneviève Potier. « Notre but, c’est de faire diminuer le nombre d’accidents », explique la retraitée, qui préside l’antenne morbihannaise de la Ligue contre la violence routière. L’association qu’elle représente réclame depuis plusieurs années « l’abaissement généralisé de 10 km/h des vitesses maximales hors agglomération ». Une mesure « utile », selon Mme Potier, étant donné la persistance de « conduites à risque ». Et d’évoquer les estimations du gouvernement selon lesquelles « trois cent cinquante à quatre cents vies » pourraient être sauvées chaque année grâce à la décision entérinée ces derniers jours.

« On fait dire ce qu’on veut aux statistiques ! », rétorque André Le Corre, maire (divers droite) du Faouët, commune proche de la D769. M. Le Corre, qui travaille comme ingénieur à Lorient, emprunte lui-même cet axe « plusieurs fois par jour ». Défavorable aux nouvelles mesures, il prône une « gestion plus pertinente de la voirie », qui consisterait à « laisser les territoires gérer au cas par cas les limitations. (…) Sur la D769, par exemple, il y a des portions qui méritent d’être limitées à 80 km/h, voire à 70, mais beaucoup d’autres où il est normal de rouler à 90. Il faudrait pouvoir ajuster. »

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Membre de la commission routes, transport et environnement du conseil départemental du Morbihan, maire (centre droit) de Caudan, ville traversée du nord au sud par la D769, Gérard Falquerho, quant à lui, soutient l’initiative gouvernementale. « La sécurité avant tout ! », justifie-t-il. Il dit être « régulièrement sollicité » par des habitants réclamant des baisses de la limitation sur certaines routes du département. « Une majeure partie » des personnes avec qui il a évoqué le sujet seraient favorables à la mesure annoncée par le premier ministre. Son homologue de Gourin, David Le Solliec, dit avoir constaté l’inverse : « Autour de moi, 60 % à 70 % des gens s’y opposent. » Une proportion qui correspond davantage, si l’on en croit les sondages publiés ces dernières semaines, à l’opposition entre « pour » et « contre » à l’échelle nationale.