Piotr Szczesny, cet « homme ordinaire » qui s’est immolé pour réveiller la Pologne
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Piotr Szczesny, cet « homme ordinaire » qui s’est immolé pour réveiller la Pologne

En plein cœur de Varsovie, en octobre 2017, un citoyen de 54 ans s’est transformé en torche humaine pour protester contre l’évolution conservatrice de son pays.

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Autel improvisé à la mémoire de Piotr Szczesny devant le Palais de la culture, à Varsovie, le 6 novembre 2017.

C’est le « tombeau » symbolique d’un simple citoyen, un inconnu aux cheveux courts, au regard clair. Au cœur de Varsovie, devant le Palais de la culture, les bougies restent allumées en signe d’hommage. Des passants se recueillent devant cet autel improvisé, avec ses fleurs, ses pierres ornées de croix ou de cœurs. Des graffitis « RIP Piotr S. » sont inscrits sur le mur à côté de sa photographie. Autour du portrait, ces mots : « Moi, l’homme gris, ordinaire, j’aime la liberté. »

Piotr Szczesny avait 54 ans. Il s’est immolé ici même le 19 octobre 2017, dans un geste politique assumé, laissant au pays un acte d’accusation en quinze points qui débutait ainsi : « Je proteste parce que le pouvoir limite les libertés civiques. Je proteste parce que les gouvernants enfreignent les principes de la démocratie. Je proteste en particulier contre la destruction (en pratique) du Tribunal constitutionnel et la destruction du système de tribunaux indépendants. » Dans la Pologne de Jaroslaw Kaczynski, le tout puissant président du parti Droit et justice (PiS) au pouvoir depuis 2015, on peut mourir pour l’indépendance de la justice.

Cet homme « gris, ordinaire » était né en 1963 dans l’est du pays. Après des études de chimie à Cracovie, il s’y installe pour travailler dans la formation professionnelle. Avec son épouse, pharmacienne, ils ont eu deux enfants : Zofia, 28 ans, artiste, professeure à l’académie des arts de Cracovie, et Krzysztof, 24 ans, ingénieur en informatique. La famille habite à Niepolomice, une petite ville résidentielle située à 20 kilomètres de Cracovie. Amateur de poésie, Piotr Szczesny aime envoyer à ses amis des billets humoristiques pour la nouvelle année, mais au fond, il n’a guère le cœur à rire. Miné par une profonde dépression, il souffre devant l’évolution récente du pays. Sans pour autant participer aux manifestations contre le gouvernement – « Il n’aimait pas la foule », assurent ses enfants...