L’été de l’amour : « Je suis rentré avec lui le soir même et ne suis jamais reparti »
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L’été de l’amour : « Je suis rentré avec lui le soir même et ne suis jamais reparti »

La journaliste et réalisatrice Stefania Rousselle a passé l’été sur les routes de France pour entendre des histoires de cœur. En juillet, elle a rencontré Patrick et Hervé.

Le Monde | | Par

Hervé Millot-Gustave, comptable, 54 ans, et Patrick Millot-Gustave, secrétaire, 54 ans, en couple depuis treize ans, à Montfaucon (Gard).

Hervé Millot-Gustave et Patrick Millot-Gustave sont en couple depuis treize ans, à Montfaucon (Gard).

Patrick Millot-Gustave, secrétaire, 54 ans

« On s’est rencontrés sur Internet, en 2004, sur Gayvox. Hervé venait de se faire plaquer et n’avait pas envie d’une nouvelle histoire. Mais une de ses amies, Isabelle, l’avait inscrit et quand je l’ai appelé, c’est elle qui a décroché ! Ils avaient une soirée de prévue, et je les y ai retrouvés. Je suis rentré avec lui le soir même et je ne suis jamais reparti ! Ça fait treize ans. Le lundi, il était au boulot, et je vois arriver sa mère et sa sœur, que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam, et elles commencent à préparer à manger et mettre la table. Il ne m’avait même pas prévenu qu’elles venaient tous les midis ! Sa sœur avait un magasin juste à côté. Les présentations étaient rapides !

« Je me suis marié, j’avais pas 23 ans. J’étais amoureux de ma femme mais j’ai toujours su que j’étais homosexuel. Ce n’était pas facile à dire, et pas facile à vivre. »

J’étais divorcé depuis quatre ans, avec deux enfants. Je me suis marié, j’avais pas 23 ans. J’étais amoureux de ma femme mais j’ai toujours su que j’étais homosexuel. Ce n’était pas facile à dire, et pas facile à vivre. J’étais fils unique. Mes parents m’avaient mis sur un piédestal. Ma femme a fini par le comprendre. On est restés ensemble encore cinq ans jusqu’à ce qu’elle craque. Avec le plus jeune de mes petits, ça s’est bien passé. Le plus grand, ça a été très dur. Mais aujourd’hui tout va bien, ils ont quand même un beau-père exceptionnel !

Quand j’ai appris à mes parents pourquoi je divorçais, en 2000, ils l’ont bien pris. Il y a eu des pleurs, c’est normal. Mais ils ne m’ont pas traité de con. Ma mère m’a dit, et ça m’a fait rigoler : “J’espère que tu ne vas pas t’habiller de manière extravagante maintenant !” Je lui ai rétorqué : “Maman, je suis directeur d’hôtel. Je suis en costume-cravate tous les jours. Tu crois pas que je vais mettre une robe et des talons, quand même !”

En 2013, on avait prévu de se pacser. Un jour, on regardait un reportage à la télé sur le mariage homo. La loi n’avait pas encore été votée. Et je lui demande : “Tu ne veux pas te marier avec moi ?” Il a répondu oui.

On ne voulait inviter personne. Mais Hervé n’a pas pu s’empêcher de l’annoncer à sa sœur, puis à sa mère. Moi, si je ne le disais pas à ma mère, elle me déshéritait ! Le jour du mariage, ils ont accroché des nœuds blancs partout dans le jardin, m’ont mis une robe en crépon et fait faire tous les clichés du mariage hétéro. Tout ! Le coup de la jarretière, les petits sachets avec des Dragibus au lieu des dragées… Hervé devait me porter pour me faire passer le pas de la porte. Mais il n’arrivait pas à me soulever ! Je pleurais de rire ! »

La porte de la chambre d’Axelle, fille d’Hervé Millot-Gustave.

Hervé Millot-Gustave, comptable, 54 ans

« Ma meilleure amie, Isabelle, lesbienne, était en mal d’enfant et me demande si je veux être papa. Comme elle était trop âgée, c’est sa copine à elle, Barbara, qui porterait l’enfant. J’accepte, à la condition qu’on ait la garde partagée. D’accord. Elle fait une insémination artificielle et Axelle naît en janvier 2008.

Quand la petite est arrivée, Isabelle a voulu m’évincer. Un monstre. Avec Barbara, elles ne voulaient pas que je vienne à l’hôpital. Finalement, j’ai eu droit à quinze petites secondes. J’ai pleuré quand j’ai vu mon bout de chou. Je ne connaissais pas cette sensation d’être papa.

« Elles nous ont accusés de pédophilie, on s’est retrouvé convoqués par la gendarmerie. Je n’ai pu revoir ma fille qu’à ses 15 mois. Ça se voyait dans ses yeux qu’elle savait que j’étais son papa. »

Puis, ça a été terrible. Barbara et Isabelle m’interdisaient de voir Axelle. Avec Patrick, on a dû faire un procès. Elles nous ont accusés de pédophilie, on s’est retrouvé convoqués par la gendarmerie. Je n’ai pu revoir ma fille qu’à ses 15 mois. Ça se voyait dans ses yeux qu’elle savait que j’étais son papa.

Isabelle est devenue folle. Elle a même séquestré Barbara. Quelques semaines avant le procès pour la garde, la médiatrice nous a fait asseoir, Barbara et moi, et a marqué sur un tableau nos prénoms. Au moment où elle allait inscrire Isabelle, Barbara l’arrête : Vous pouvez la barrer.” “Pourquoi ?” Elle dit : “Parce que je vis chez mes parents. Elle ne fera plus partie de ma vie, c’est terminé. Par contre, si le papa veut avoir sa fille ce week-end, il peut.” On est sortis de là comme des éponges, comme des madeleines. Et depuis, avec Barbara, c’est comme si j’avais deux filles.

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Barbara n’était pas assez mature pour avoir un enfant. Du coup, on a Axelle plus souvent à la maison. Elle est très équilibrée. Elle a 10 ans et protège beaucoup sa mère. La petite a un papa et une maman, c’est important pour moi. Cette année, la maîtresse a demandé à Axelle de faire deux cadeaux pour la fête des pères… »

Retrouvez la série sur Instagram : @stefaniarousselle

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