Hassan Sharif, la preuve par l’absurde
Partager
Tweeter
Arts
édition abonné

Hassan Sharif, la preuve par l’absurde

A Sharjah, une rétrospective consacre l’œuvre élégante et railleuse de l’artiste dubaïote, mort en 2016.

Le Monde | | Par

« Cardboard and Glue », 2013

Dans l’avant-dernière salle du Louvre Abu Dhabi est accrochée une œuvre qui, par sa forme et sa conception, se distingue de celles qui l’environnent : c’est le témoignage, par la photographie en noir et blanc et le texte, de l’une des actions accomplies par Hassan Sharif dans les années 1980. C’est aussi la seule d’un artiste émirati, et sans doute est-ce la raison la plus immédiate de sa présence en ces lieux : Hassan Sharif, mort en 2016, était né à Dubaï en 1951, y a fait l’essentiel de son œuvre et a joué un rôle central pour susciter l’intérêt à l’égard de la création contemporaine dans la région. Mais il y a une autre raison, plus satisfaisante : la singularité et l’acuité de son œuvre.

Pour les vérifier, il faut se rendre à Sharjah, aux Emirats arabes unis, où la Sharjah Art Foundation lui consacre une rétrospective dont rien ne donne à espérer la venue en France. Aussi, si lointaine soit-elle, a-t-on pris le parti de s’en faire l’écho.

Trois périodes

La structure architecturale de la fondation – une suite de petites maisons blanches aménagées en galeries et reliées par des ruelles – convient à l’œuvre. Peut-être même lui convient-elle trop bien, car Sharif a pratiqué à peu près tous les modes d’expression au gré des moments et des questions. Il a dessiné, peint, écrit, photographié, assemblé, noué, découpé, collé, entassé, suspendu. D’une galerie à l’autre, la surprise peut être d’abord entière car, au long de la pérégrination, Sharif artiste conceptuel succède à Sharif expert en accumulations, qui lui-même succède à Sharif abstrait géométrique ou Sharif figuratif parodique ou Sharif duchampien.

A s’en tenir à la chronologie, il est possible de distinguer trois périodes. La première, la décennie 1970, est celle du caricaturiste politique et moral, dont quelques dessins – en nombre trop restreint – montrent comment il sait ridiculiser les travers et certitudes de ses ­concitoyens, ne leur épargnant aucun ridicule. La deuxième est celle...