
En 1983, Pierre Desproges raconte un retour en taxi à Paris dans « Le Rire, parlons-en » (Vivons heureux en attendant la mort, Seuil), « accompagné d’une pulpeuse comédienne, avec qui j’aime bien travailler, non pas pour de basses raisons sexuelles, mais parce qu’elle a des nichons magnifiques », précise-t-il. Le chauffeur s’exclame soudainement : « Moi les Arabes, je peux pas les saquer. » S’ensuit l’inévitable échange stérile, à une banquette d’intervalle, quand le taux d’alcoolémie ou la foi en l’homme l’autorise encore…
En 2018, Kevin Razy décrit, dans son spectacle Mise à jour, le prototype du chauffeur ubérisé qui en fait des tonnes pour paraître poli dans l’espoir de décrocher les inaccessibles étoiles qui conditionnent son plein quotidien. Avant de traiter d’« enculé de sa race » le type qui lui a grillé la prio. Et qui pose la question que redoute tout usager de VTC et/ou de taxi : « Et sinon, vous faites quoi dans la vie ? » Pas de bol, Kevin est humoriste. « Moi, disons, je veux pas entrer dans les détails, mais y a des gens sur qui on doit pas faire de blagues », lance le chauffeur. Blanc, regard vers la vitre. « Non parce que les juifs… » « Et là tu te dis putain de merde, je vais devoir faire un débat sur l’antisémitisme avec un mec qui écoute Jul. »
Peut-on rire de tout avec tout le monde ? Pour le jeune humoriste, qui anime « Rendez-vous avec Kevin Razy » sur Canal+, « on peut tout faire, c’est une question de timing et de plate-forme. Parfois c’est trop tôt et, en télé, sur une chronique c’est souvent plus glissant. Sur scène, on a le temps d’expliquer son point de vue, il n’y a pas de doute sur l’attention. »
Confusion des genres entre information et divertissementLa question ressurgit aujourd’hui, mais les enjeux sont ailleurs. Car l’humour a changé. La confusion des genres entre information et divertissement a placé la culture...