L’écologie aux portes du Capitole
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Idées
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L’écologie aux portes du Capitole

Le récit écologique dominant est encore trop tendu vers la catastrophe pour devenir le levain d’une société nouvelle, souligne dans une tribune le philosophe Dominique Bourg.

Le Monde |

TRIBUNE. Sans récit il n’y aurait ni religions, ni nations, ni partis, ni identités individuelles et collectives, autrement dit rien qui fasse sens. Nos esprits erreraient entre calculs et raisons, sans même pouvoir appréhender le temps qui passe. Il nous est impossible de ne pas nous projeter dans le temps, avec d’autres et vis-à-vis d’autres, en agissant les uns à l’égard des autres. La mise en forme de ces actions qui entrelace nos existences constituent un récit. Rien de grand ne s’est accompli sans récit.

Mise en scène du salut

L’histoire occidentale elle-même est celle des variations du grand récit chrétien. Après avoir imposé l’idée d’un cours linéaire de l’histoire, l’espérance en un âge d’or au-devant de nous et non plus derrière, l’idée chrétienne de salut n’a cessé de connaître de multiples métamorphoses. Mais ces différents récits de mise en scène du salut – ceux des rois, des moines et des saints, du marchand calviniste, celui du progrès et des Lumières, un temps concurrencé par la saga marxiste du prolétariat sauveur de l’humanité – ont tous fini par s’échouer sur les rivages du changement climatique et de l’anéantissement des espèces vivantes.

Face à ces sinistres constats, quel nouveau récit imaginer ? Le transhumanisme et les GAFA [Google, Apple, Facebook et Amazon] leur tournent le dos – sans proposer de solutions – et s’emploient à ressusciter le progrès, mais ils ne parviennent pas à démêler le paradis de l’enfer : le désir d’immortalité y est inséparable de la crainte d’un déclassement, voire d’un asservissement par les machines.

Reste l’écologie, qui cherche à recommencer l’histoire. A l’instar du christianisme des premiers temps – resté longtemps inaudible, tapi dans l’obscurité des bas quartiers de Rome, avant de gagner la lumière du Capitole et de s’emparer de l’empire –, cette pensée peine toutefois à s’imposer. Le récit écologique est encore trop tendu vers la catastrophe pour faire naître une...