« La monnaie est une chose trop sérieuse pour être laissée aux banques centrales ou aux “technofreaks” »
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« La monnaie est une chose trop sérieuse pour être laissée aux banques centrales ou aux “technofreaks” »

Les économistes Ivar Ekeland et Jean-Charles Rochet ouvrent le débat, dans une tribune au « Monde », sur la concurrence entre cryptomonnaies et monopole étatique en matière de création monétaire.

Le Monde | • Mis à jour le | Par

« Jamais le détenteur d’un bitcoin ne recevra le moindre coupon ou dividende » (Bitcoin Center de New York, en 2015).

Tribune. Les économistes appellent « bulle spéculative » le phénomène, hélas trop fréquent, qui voit les prix d’un actif, réel ou financier, s’envoler bien au-dessus de sa valeur fondamentale. L’histoire abonde de tels épisodes, plus ou moins pittoresques, comme la bulle des tulipes aux Pays-Bas au XVIIe siècle ou, plus près de nous, la bulle Internet de la fin des années 1990 et la bulle immobilière du début du siècle aux Etats-Unis, qui a abouti à la fameuse crise des subprimes en 2008-2009. Les bulles spéculatives finissent toujours par éclater, c’est-à-dire que le prix des actifs concernés finit par s’effondrer brutalement, entraînant dans sa chute tous ceux qui n’ont pas sauté à temps.

Mais la caractérisation d’une bulle est souvent sujette à caution, car il est très difficile d’évaluer la valeur fondamentale d’un actif. Ainsi, la valeur fondamentale d’une action est-elle définie comme la somme actualisée de tous les dividendes futurs que versera l’entreprise qui a émis cette action. Mais le plus souvent, nul n’a la moindre idée du montant de ces dividendes futurs, ni même de la durée de vie de l’entreprise en question. Dans la plupart des cas, on ne peut vraiment reconnaître une bulle que quand il est trop tard, c’est-à-dire quand elle a éclaté.

Un cas d’école

Le bitcoin est en revanche un cas d’école de bulle spéculative, car sa valeur fondamentale est clairement nulle : jamais le détenteur d’un bitcoin ne recevra le moindre coupon ou dividende. Sa seule utilité est de servir de moyen de paiement pour un certain type de transactions, parfois en marge de la légalité. Bitcoin, comme son clone ether (géré par la plate-forme Ethereum) est une cryptomonnaie, c’est-à-dire une monnaie qui n’est ni contrôlée ni garantie par un gouvernement.

Il fascine pour tout un tas de raisons : les conditions dans lesquelles il est apparu et s’est développé (personne ne connaît son mystérieux fondateur, Satoshi Nakamoto),...