Rony Brauman : « C’est la première fois que la mortalité indirecte liée à une catastrophe fait débat »
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Rony Brauman : « C’est la première fois que la mortalité indirecte liée à une catastrophe fait débat »

L’ancien président de l’ONG Médecins sans frontières explique la difficulté, technique ou politique, d’obtenir des chiffres fiables sur le coût humain des catastrophes naturelles.

Le Monde | • Mis à jour le | Propos recueillis par

Lors de l’enterrement d’un policier victime de l’ouragan Maria, en septembre 2017, à Aguada.

Ancien président de l’ONG Médecins sans frontières et actuel directeur d’études du Centre de réflexion sur l’action et les savoirs humanitaires de la Fondation MSF, le docteur Rony Brauman, 67 ans, explique la difficulté d’obtenir des chiffres fiables sur le coût humain des catastrophes naturelles.

Comment quantifie-t-on les pertes humaines liées aux catastrophes naturelles ?

C’est très variable et approximatif. On se base sur des critères géographiques et démographiques. On applique un taux d’attrition (pourcentage de victimes) hypothétique à la population de la zone touchée.

J’ai constaté, à Port-au-Prince, que c’est la méthode qui avait abouti à une estimation d’environ 300 000 morts après le séisme de 2010. Cette méthode comporte cependant deux facteurs d’imprécision : d’abord, la démographie n’est pas tenue à jour dans tous les pays, ensuite, le pourcentage de victimes varie selon l’heure de la journée à laquelle survient l’événement, la qualité du bâti, la densité de l’habitat et la puissance du phénomène.

Les bilans suivent donc systématiquement une courbe d’emballement lors des catastrophes naturelles majeures, c’est-à-dire dont l’ampleur dépasse le millier de morts. Ils passent d’une sous-estimation initiale à une surestimation qui peut être très forte. On retrouve généralement des chiffres réalistes trois ou quatre semaines plus tard. Ça n’est pas l’effet d’une manipulation, mais le résultat des difficultés techniques rencontrées.

Existe-t-il tout de même des cas de manipulation des chiffres des bilans humains ?

Un Etat peut minimiser ces chiffres pour ne pas perdre la face, ou au contraire les exagérer pour susciter l’attention et s’assurer davantage d’aide financière et matérielle mais, contrairement aux bilans humains de conflits armés comme ceux du Soudan ou du Darfour, les bilans liés aux catastrophes naturelles sont rarement controversés. Car ils ne sont pas soumis...