Les Autrichiens continueront à fumer dans les restaurants
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Les Autrichiens continueront à fumer dans les restaurants

Cédant au puissant lobby des cigarettiers, le FPÖ, parti d’extrême droite entré au gouvernement le 18 décembre, est revenu sur une loi anti-tabac qui devait entrer en vigueur en 2018.

Le Monde | | Par

Votée en 2015, la loi devait interdire le tabac dans les bars, restaurants et  discothèques autrichiens.

Des cendriers sur les tables, une serveuse qui vous accueille cigarette à la main : comme le reste du monde germanique, l’Autriche fait partie des derniers bastions des fumeurs en Europe. Cela devait changer. Mais les poumons sensibles devront attendre, car l’extrême droite en a décidé autrement. Pour entrer au gouvernement en coalition avec les conservateurs, le FPÖ (Parti de la liberté) a en effet exigé de ses partenaires que leur nouvel exécutif commun, en fonctions depuis le 18 décembre, revienne sur l’interdiction totale d’en griller une dans les bars, les restaurants et les discothèques. C’est ce que prévoit la loi votée en 2015 et qui devait entrer en vigueur le 1er mai 2018.

Au mépris des études de santé

Déjà lanterne rouge, cette terre montagneuse d’Europe centrale devient ainsi le seul Etat au monde à faire marche arrière sur cette question, ce qui provoque une levée de boucliers chez les professionnels de la santé. Car le FPÖ a cédé au lobby du tabac, très puissant dans cette partie de l’Europe, et à celui des cafetiers. Invoquant la « liberté de choix » des accros à la pipe ou à la cigarette, plus nombreux chez ses soutiens que dans le reste de la population, le parti de Heinz-Christian Strache est passé outre les études innombrables prouvant que l’interdiction de fumer dans les restaurants était la mesure la plus déterminante pour faire baisser significativement le nombre des maladies imputées au tabac.

Depuis 2010, les restaurants ont bien l’obligation en Autriche d’installer des « zones respirables », mais le plus grand laxisme entoure l’application de cette mesure. Par ailleurs, il n’est pas sûr que le recul du nouveau gouvernement soit en conformité avec les règlements communautaires. Le commissaire européen à la santé, le Lituanien Vytenis Andriukaitis, doit se prononcer sur le sujet dans les semaines à venir.

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Les médecins se disent donc « choqués ». Ils parlent d’un déni de réalité et veulent entrer en « résistance ». Ils ne sont pas les seuls. Une pétition lancée sur Internet a déjà recueilli plus de 400 000 signatures, en quelques jours seulement. Le chiffre est conséquent, pour une contrée de 8,7 millions d’habitants. De nombreuses voix demandent désormais au gouvernement un référendum sur la question. L’extrême droite milite en effet pour plus de démocratie directe, sur le modèle de la Suisse voisine. La première votation pourrait donc concerner cette question sensible. En cas de résultat favorable à l’interdiction, le FPÖ, pour qui le « peuple » et la majorité sont censés avoir toujours raison, devrait alors se rendre à l’évidence : il a sous-estimé l’indignation que le recul gouvernemental suscite chez la plupart des Autrichiens victimes du tabagisme passif.

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