
Longtemps, Mavis Staples n’avait osé imaginer qu’elle verrait de son vivant un Noir s’installer un jour dans le bureau Ovale. Et encore moins qu’un « dingue » lui succéderait. « Il n’est pas possible que ce type soit président des Etats-Unis, dit calmement, en reposant son thé dans un hôtel londonien, la chanteuse américaine de gospel, de passage pour enregistrer une émission de l’animateur-musicien Jools Holland. Il se conduit comme un gamin, comme eux, il ne cesse de mentir. Il lui faudrait un baby-sitter. Si Martin Luther King était là, il nous rassemblerait pour une marche sur Washington afin d’expulser cet homme de la Maison Blanche. Moi, je ne suis pas une oratrice, tout ce que je peux faire, c’est chanter et prier. »
Alors, Mavis Staples a décidé de reprendre les choses au début en publiant, à 78 ans, If All I Was Was Black (« Si je n’étais que Noire »), un album qui marque son retour à la forme du protest song, qui semblait n’avoir survécu qu’à travers le hip-hop. Elle a toute légitimité pour le faire en tant que militante historique du mouvement des droits civiques. Martin Luther King était l’ami de son père, Roebuck – dit « Pops » – Staples (1914-2000), et l’ensemble vocal que celui-ci avait fondé avec trois de ses enfants à Chicago à la fin des années 1940 ouvrait les meetings du pasteur.
Mavis Staples, chanteuse : « Je ne pense pas qu’on puisse faire changer d’avis les électeurs de Trump, car tout indique qu’ils pensent comme lui »Repérée au temple avec sa projection qui couvrait les autres choristes, la cadette a commencé sa carrière à l’âge de 10 ans au sein des Staple Singers. Sous le logo de Stax, le label de Memphis qui a révélé Otis Redding, la popularité du quartet atteindra un pic aux Etats-Unis au début des années 1970 lorsque son gospel se teintera de soul. Ailleurs, beaucoup découvriront la soliste grâce à The Last Waltz (1978), le film de Martin Scorsese consacré...